Furia Azteca
c'était un boulet, évidemment - et qui alla frapper la lointaine maison qui vola en éclats. Le coup de canon se prolongea par un grondement plus étouffé. C'était le martèlement des sabots ferrés des chevaux, car les cavaliers avaient lancé leurs montures au galop au moment précis o˘ le canon avait craché son boulet. Ils s'élancèrent sur la plage à une allure folle et les grands chiens qu'on avait l‚chés n'avaient aucun mal à se maintenir à leur niveau. Les cavaliers encerclèrent la maison et on voyait luire leurs lances tandis qu'ils faisaient le simulacre de tailler en pièces de prétendus survivants.
Ensuite, ils firent demi-tour pour revenir près de nous. Cependant, les chiens n'étaient pas avec eux et on entendait vaguement leurs aboiements hystériques parmi lesquels je crus distinguer des cris humains. quand les chiens revinrent, leurs terribles m‚choires étaient maculées de sang. Je ne sais si des Totonaca s'étaient cachés près de la maison pour mieux suivre le déroulement des opérations ou si Cortés s'était perfidement arrangé pour qu'ils se trouvent là.
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quand les cavaliers eurent achevé leur démonstration, les fantassins se déployèrent à leur tour sur la plage. Certains étaient armés de longues arquebuses et d'autres d'arcs courts. Auparavant, des Totocana avaient déposé des briques d'adobe à une bonne portée de flèches des soldats. Les soldats s'agenouillèrent et déchargèrent tour à tour leurs arquebuses et leurs arcs. Leur tir était d'une précision admirable, mais par contre, ils n'étaient pas très rapides car après avoir lancé une flèche, il fallait qu'ils retendent leur arc en tournant un petit dispositif.
Les arquebuses me parurent des engins beaucoup plus extraordinaires. Les tourbillons de fumée et les éclairs de feu qu'elles crachaient auraient suffi à mettre en déroute un ennemi qui leur aurait fait face pour la première fois. Mais elles engendraient bien plus que de l'épouvante, elles projetaient aussi des petites boules de métal qui volaient si vite qu'on n'avait même pas le temps de les voir. Alors que les flèches s'étaient seulement plantées dans les briques, le tir des arquebuses les avait fait éclater en morceaux. Néanmoins, je remarquai que ces boules n'allaient pas plus loin que nos flèches et l'arquebusier était si long à préparer son tir que nos archers auraient eu le temps de lui décocher entre-temps six ou sept flèches.
J'avais maintenant une belle collection de dessins à montrer à Motecuzoma et aussi beaucoup de choses .à lui apprendre. Il ne me manquait plus que le portrait de Cortés. Jadis, à Texcoco, j'avais juré de ne plus jamais en faire car il m'avait semblé que j'attirais le malheur sur les personnes que je dessinais. Dans le cas présent, je n'avais pas le même genre de scrupules. Le lendemain soir, lorsque les Mexica arrivèrent pour le dernier entretien avec Cortés, ses adjoints et ses prêtres, ils n'étaient plus quatre, mais cinq. Pas un seul Espagnol ne parut remarquer qu'il y en avait un de plus et ni Aguilar, ni Ce-Malinali ne me reconnurent dans mes vêtements princiers, pas plus qu'ils ne m'avaient identifié dans mon rôle de porteur.
Tout le monde s'assit pour dîner et je vous épargnerai mes commentaires sur la façon de manger de ces Blancs. Nous nous étions chargés de la nourriture qui était de la
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meilleure qualité et les Espagnols avaient payé leur écot en apportant un breuvage appelé vin. J'en bus avec ménagement car il était aussi enivrant que l'octli. Tandis que mes quatre pairs se chargeaient de soutenir la conversation, je me mis à faire, le plus discrètement possible, le portrait de Cortés. C'était la première fois que je le voyais de si près et je me rendis compte que sa barbe, beaucoup moins fournie que celle de ses compagnons, dissimulait mal une vilaine cicatrice sous sa lèvre inférieure et qu'il avait le menton presque aussi fuyant que les Maya. Soudain, je réalisai qu'un grand silence s'était établi autour de moi et que les yeux gris de Cortés étaient fixés sur ma personne.
" On est en train de fixer mon image pour la postérité, à ce que je vois.
Montrez-moi ça ", me dit-il. Il avait parlé en espagnol, mais sa main tendue était tout aussi éloquente et je lui donnai le dessin.
" On ne peut pas dire que ce soit un portrait flatteur, mais il est ressemblant. "
II le montra à Alvarado et à d'autres Espagnols qui
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