Furia Azteca
humilité et une hésitation feintes. Pourriez-vous me dire...
- Oui ? s'impatienta Cortés.
- J'ai entendu vos hommes dire que nos femmes manquaient d'une certaine chose... ".
Il y eut des cliquetis de métal et des froissements de cuir tandis que les Espagnols se rapprochaient pour entendre mieux. Je posai alors ma question comme si j'avais vraiment voulu avoir une réponse, poliment, solennellement, sans le moindre soupçon de raillerie.
" Est-ce que vos femmes... est-ce que la Vierge Marie a des poils sur ses parties intimes ? "
Ils me considérèrent tous avec stupeur - comme le 917
fait Son Excellence en ce moment - et ils murmurèrent, scandalisés : "
Locura ! Blasfemia ! Ultraje ! "
Un seul, le grand Alvarado à la barbe de feu, partit d'un grand rire. Il se tourna vers les prêtres et, leur posant ses grosses mains sur les épaules, il leur demanda entre deux accès d'hilarité :
" Padre Bartolomé, Padre Merced, vous a-t-on déjà posé cette question ?
Vous a-t-on enseigné au séminaire une réponse convenable ? Y avez-vous même jamais
songé ? "
Les prêtres ne répondirent pas, mais ils me lancèrent des regards foudroyants et firent le signe de croix pour chasser le diable. Pendant ce temps, Cortés ne m'avait pas l‚ché des yeux et il déclara :
" Non, vous ne pourriez être ni un hidalgo, ni un Grand d'Espagne, mais je me souviendrai de vous. "
Le lendemain matin, comme nous nous préparions à partir, Ce-Malinali arriva et me fit impérieusement signe qu'elle voulait me parler. Je pris tout mon temps pour aller la rejoindre, puis je lui dis :
" Parle, Ce-Malinali. Ce que tu as à me dire est certainement très intéressant.
- Je vous prie de ne plus me donner ce nom d'esclave. Appelez-moi Malintzin ou Dona Marina. C'est ainsi que j'ai été baptisée. Cela ne veut rien dire pour moi, mais je vous conseille de me témoigner du respect, car le capitaine Cortés a beaucoup d'estime pour moi et il est prompt à punir les insolents.
- Dans ce cas, je te conseille, moi, de dormir toujours près de ton capitaine car sur un seul mot de moi, n'importe lequel de ces Totonaca irait volontiers te planter un couteau entre les côtes, à la moindre occasion. Tu t'es montrée insolente vis-à-vis du Seigneur Mixtli, esclave.
Tu as réussi à duper les Blancs avec ta prétendue noblesse. Tu t'es fait apprécier d'eux en te teignant les cheveux comme une maatitl, mais tes compatriotes savent bien ce que tu es en réalité : une putain rousse qui a vendu plus que son corps à l'envahisseur Cortés.
- Je ne couche pas avec Cortés, se défendit-elle. Je ne suis que son interprète. quand le tabascoôb nous a offertes aux Blancs, on m'a donnée à
cet homme. (Elle
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m'indiqua un Espagnol qui avait dîné avec nous la veille.) Il s'appelle Alonso.
- Et il te plaît ? ironisai-je. Je crois me souvenir que tu hais les hommes et la façon dont ils traitent les femmes.
- Je sais faire semblant, si cela sert mes ambitions.
- quelles sont tes ambitions ? Je pense que la fausse traduction que j'ai entendue hier soir n'était pas ton premier essai. Pourquoi pousses-tu Cortés à aller à Tenochtitl‚n ?
- Parce que je veux y aller, moi aussi. quand je serai à Tenochtitl‚n, peu m'importera ce qu'il adviendra de ces Blancs. Peut-être me récompensera-t-on de les avoir attirés dans un endroit o˘ Motecuzoma pourra les coincer comme des souris. De toute façon, on me remarquera et je ne mettrai pas longtemps à devenir noble de fait et de nom.
- Et, si par malchance les Blancs ne tombaient pas dans le piège, tu serais récompensée encore davantage. "
Elle fit un geste d'indifférence. " Je vous demande seulement, je vous prie, Seigneur Mixtli,jde ne pas vous mettre en travers de ma route.
Donnez-moi du temps pour prouver à Cortés que je suis indispensable.
Laissez-moi aller à Tenochtitl‚n. Pour vous et pour votre Orateur Vénéré, ça ne doit pas avoir une bien grande importance, mais pour moi, c'est capital.
- - Je ne m'opposerai pas à tes ambitions, esclave, sauf si elles se trouvent en contradiction avec les intérêts que je sers. "
Pendant que Motecuzoma examinait le portrait de Cortés et les autres croquis que je lui avais apportés, je lui énumérais les personnes et les choses que j'avais comptées.
" Ils sont cinq cent huit combattants, y compris le chef et les officiers.
Ils ont tous des épées et des lances de métal, mais treize d'entre eux ont aussi des
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