Furia Azteca
professeur qui s'adresse à un élève borné, il y a très longtemps, les Mexica se sont déjà trouvés isolés ici même, repoussés et détestés par tous les autres peuples. Ils n'avaient que de l'herbe à manger et uniquement l'eau saum‚tre du lac à boire. Dans de telles circonstances, ils auraient pu baisser la tête devant leurs ennemis et ils auraient été dispersés, assimilés et oubliés par l'Histoire. Mais ils ont tenu bon et ont édifié tout ceci - il fit un large geste qui englobait toute la magnifique cité -. quelle que soit leur fin, l'Histoire ne pourra pas les ignorer. Les Mexica ont tenu.
Les Mexica tiendront. Jusqu'au bout. "
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Après les aqueducs, ce fut la ville qui devint la cible des canons. Les boulets qui venaient de Chapultepec étaient les plus destructeurs, car les Espagnols avaient hissé plusieurs canons au sommet de la colline et de là, ils nous mitraillaient directement, faisant pleuvoir les énormes gouttes de métal sur Tenochtitl‚n. Une des premières canonnades détruisit le temple de Huitzilopochtli en haut de la grande pyramide. Aussitôt, les prêtres s'écrièrent : " Malheur ! Mauvais présage ! " et organisèrent des cérémonies qui mêlaient les demandes de pardon et les prières d'intercession au dieu de la guerre.
Les canons poursuivirent leur offensive pendant quelques jours, mais d'une façon irrégulière et décousue comparée à ce qu'ils pouvaient faire en réalité. Je pense que Cortés espérait ainsi nous obliger à reconnaître que nous étions perdus pour que nous nous rendions sans combattre, comme l'aurait fait tout peuple sensé. Non pas qu'il ait voulu nous épargner, mais parce qu'il souhaitait préserver la ville pour pouvoir offrir à son roi une nouvelle colonie avec une capitale plus belle qu'aucune ville d'Espagne.
Mais Cortés est et a toujours été d'un caractère impatient et il ne perdit pas beaucoup de temps à attendre. Il fit construire par ses charpentiers des ponts de bois légers et mobiles pour enjamber les brèches des chaussées et il nous livra une offensive soudaine des trois côtés à la fois.
Cependant, nos guerriers n'étaient pas encore affaiblis par la famine et les trois colonnes des Espagnols et de leurs alliés furent arrêtées comme si elles s'étaient heurtées à un mur de pierre. Beaucoup moururent et le reste fit retraite en emportant les blessés.
Cortés attendit quelques jours et il refit une autre tentative qui échoua encore plus lamentablement. Cette fois, quand l'ennemi voulut envahir la ville, nos acali de guerre s'élancèrent et nos guerriers grimpèrent sur les chaussées derrière les premières vagues d'attaquants. Ils basculèrent les ponts mobiles et une bonne partie des assaillants se trouva isolée avec nous dans la ville. Les Espagnols pris au piège essayaient de défendre leur vie, mais leurs alliés indigènes, sachant le sort qui leur serait réservé, préféraient être tués plutôt que capturés. Cette
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nuit-là, toute notre île fut illuminée par des torches et des feux, en particulier la grande pyramide et s'il s'est approché d'assez près, Certes a pu voir ce qu'il advint de la quarantaine des siens que nous avions pris vivants.
En tout cas, il en vit suffisamment pour devenir la proie d'une fureur vengeresse et il décida de nous exterminer tous même s'il devait pour cela anéantir une grande partie de cette ville qu'il aurait voulu préserver. Il arrêta ses tentatives d'invasion et soumit la cité à une canonnade incessante. Les boulets piquaient sur nous en sifflant. La ville commença à
s'effondrer et beaucoup d'habitants périrent. La grande pyramide, jadis si lisse, finit par ressembler à une miche de pain grignotée par des rats géants.
Cette pluie d'acier se poursuivit encore pendant deux bons mois, ne se calmant un peu que la nuit. Au bout d'un moment, les Espagnols finirent par épuiser leurs boulets et ils durent se servir de pierres rondes. Elles faisaient un peu moins de dég‚ts, mais elles éclataient fréquemment sous le choc, et leurs éclats volaient dans toutes les directions tuant ou blessant la population.
Du moins, ceux qui mouraient ainsi mouraient rapidement. Les autres semblaient destinés à une lente agonie. Comme il fallait faire durer les vivres le plus longtemps possible, ils n'étaient distribués qu'avec la plus grande parcimonie. Au début, nous avions les chiens et les volailles de l'île et nous nous partagions le
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