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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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de n’en rien laisser paraître. « Ainsi donc, Lancelot, reprit la dame, fort dépitée, tu en aimes une autre que moi ? – Dame, répondit-il, cette jeune fille raconte ce que bon lui semble, moi je n’y prête pas la moindre attention. » La dame n’insista pas, mais le doute s’était emparé de son cœur. Quant à Lancelot, il dormit fort mal, cette nuit-là, tant l’avait courroucé la demoiselle en dévoilant le secret de ses amours avec la reine. Et, le lendemain, il se hâta de quitter le manoir après avoir pris congé de la dame.
    À peu de distance, il aperçut un cimetière qui entourait une chapelle et où un nain s’affairait à creuser une fosse. Il s’arrêta et lui demanda : « Pour qui creuses-tu cette fosse ? » Le nain lui répondit : « Pour le meilleur et le plus brave chevalier que j’aie jamais connu. Hélas, il a été tué hier, et c’est un bien grand malheur, tant pour moi, qui le servais fidèlement, que pour son amie, qui le pleure. Elle est dans la chapelle en train de le veiller, avant que nous ne le déposions dans sa tombe. » Lancelot mit pied à terre et pénétra dans la chapelle afin de s’enquérir si la femme n’avait pas besoin de son aide. Il la vit là, qui pleurait et se lamentait sur le corps d’un homme étendu au pied de l’autel. Il s’approcha, prêt à la réconforter, mais dès qu’il fut arrivé près du cadavre, la plaie que celui-ci portait à la poitrine se mit à saigner d’abondance {56} . La jeune femme poussa un grand cri, se redressa et regarda Lancelot. « C’est donc toi qui as tué mon ami ! hurla-t-elle entre deux sanglots. Maudit sois-tu, toi qui oses venir narguer ta victime ! » Lancelot se hâta de sortir de la chapelle, sauta en selle et s’éloigna, l’esprit agité de sombres pensées.
    En continuant sa chevauchée, il atteignit la limite de la forêt et parvint dans une région complètement désertique, très vaste, où ne vivait ni bête, ni même oiseau, car la terre était si sèche et si pauvre qu’on n’aurait rien trouvé pour s’y nourrir. Devant lui, dans le lointain, se profilaient toutefois les murailles d’une forteresse. Il s’en approcha et celle-ci lui parut immense, au point d’enserrer toute la région. Mais il remarqua que les murs d’enceinte étaient en partie effondrés. Il les franchit mais, à l’intérieur, ne vit que maisons effondrées et toutes noircies d’incendie. Tout n’étant que ruine et désolation, sauf un cimetière peuplé, lui, d’arbres verdoyants. Lancelot se hâta de quitter ces lieux que devait avoir, pensait-il, anéantis la colère de Dieu {57} .
    De toute la journée, il ne rencontra ni homme, ni femme, ni animal, et il se demandait avec angoisse s’il pourrait jamais sortir de ce désert. Et il commençait à éprouver une fatigue extrême quand, le soir, il arriva sur le rivage de la mer, un rivage du reste non moins sinistre, car on n’y voyait qu’énormes rochers dénudés et arides contre lesquels venaient déferler les vagues. Après avoir un moment longé la côte, il découvrit une crique de sable fin et décida d’y passer la nuit. Comme elle était parsemée de rares touffes d’herbe maigre, il envoya son cheval brouter vaille que vaille puis s’allongea sur le sable et, la tête appuyée sur son bouclier, adressa à Dieu une ardente prière. Il y déplorait son destin, les yeux pleins de larmes, perplexe au point de se demander s’il devait renoncer à la quête et retourner à la cour d’Arthur. Il lui revenait en mémoire tout ce qu’il avait accompli en sa vie, et il concluait qu’il n’avait rien fait d’autre que semer la mort et la dévastation partout où l’avaient porté ses pas. Enfin, brisé de fatigue et de chagrin, il s’endormit après s’être une dernière fois remis entre les mains de Dieu.
    Or, pendant son sommeil, il entendit une voix qui disait : « Lancelot ! Lancelot ! lève-toi, prends tes armes et monte sur la première nef que tu verras sur la mer. » À ces mots, il tressaillit, ouvrit les yeux et vit autour de lui une si grande clarté qu’il se crut déjà au matin. Mais cette lumière ne tarda pas à disparaître, et il se retrouva dans l’obscurité. Cependant, comme ce qu’il venait d’entendre et de voir le tourmentait, il revêtit ses armes et traça sur son front le signe de la croix. Puis, comme il regardait vers la mer, il distingua une nef qui venait d’aborder. Sans hésiter, il se

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