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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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l’entends. »
    Morgane alors descendit de son cheval, un superbe et puissant destrier noir. « Écoute, Lancelot, dit-elle, je pourrais te proposer de te prendre en croupe afin de te ramener vers des contrées plus accueillantes que celle-ci, mais tu refuserais, avec ton orgueil insensé. La seule idée de devoir à une femme ton salut te serait odieuse ! Et si je te confiais mon cheval et te demandais de m’emmener, tu refuserais de même ! – J’accepterais si je te voyais en danger. J’accepterais pour toi comme pour toute femme qui réclamerait mon aide, conformément à mon devoir de chevalier. Mais tu ne cours aucun danger, Morgane. Tu es bien trop habile pour avoir le moindre besoin d’autrui ! Aussi, je t’en prie, laisse-moi. – Quel entêtement ! Combien de fois t’ai-je proposé de t’associer à moi ! Ensemble, nous dominerions le monde, et tu le sais bien, Lancelot. – Je n’ai que faire de ton monde ! » s’emporta Lancelot. Et, sur ce, Morgane regarda la rivière et murmura : « Mon monde n’est pas celui-ci. Quelque part dans la mer, bien au-delà de l’embouchure de cette rivière, se trouve une île merveilleuse où les pommiers donnent des fruits toute l’année. Nul n’y est affligé de tristesse, de maladie ni de langueur. Les oiseaux y chantent dans les arbres à toute heure, jour et nuit. La vieillesse et la mort y sont inconnues, et des femmes y accueillent les chevaliers pour leur procurer nourriture et boisson, repos et douceur. Voilà les grandes merveilles que je suis en mesure de te révéler, moi, car nul ne peut voir cette île, si je ne l’y mène en personne. Sache-le, Lancelot, hormis moi, personne ne peut t’y conduire. Renonce à ta quête : Dieu a dès longtemps décidé que tu ne la mènerais pas à son terme. Suis-moi, et nous régnerons sur cette île.
    — Je connais trop tes ruses ! lui lança-t-il. Et, si je ne respectais pas en toi la sœur de mon roi, je prononcerais des paroles encore plus blessantes à ton égard. Pour la dernière fois, passe ton chemin et laisse-moi accomplir ma quête. – Tu as tort de t’obstiner ainsi, dit Morgane, et je vais te prouver que mes intentions sont pures. Puisque tu ne veux pas que je t’emmène en croupe, je vais te donner mon cheval. Il est fort et robuste, tu peux m’en croire. Moi, je n’en ai que faire pour partir d’ici, mais toi, il te sera des plus utiles. Va, Lancelot, prends-le et continue ta quête, puisque tel est ton seul et unique désir. »
    Sans ajouter un mot ni se retourner, Morgane descendit de rocher en rocher jusqu’au bord de l’eau. Lancelot vit alors une nef aux voiles rouges avancer rapidement sur la rivière et accoster à l’endroit même où se tenait Morgane. À bord se trouvaient des femmes, vêtues de robes somptueuses de toutes couleurs, qui l’aidèrent à embarquer. Et, aussitôt, le vent gonfla les voiles avec tant de force que la nef, quittant le rivage, s’élança sur les eaux, tel un saumon qui, après le frai, se hâte de regagner son estuaire coutumier. En quelques instants, elle avait disparu. Lancelot se retrouva seul, près du cheval qui piaffait d’impatience. Alors il revêtit ses armes, sauta en selle et se mit à longer le rivage dans l’espoir de découvrir un chemin qui lui permît de traverser la forêt.
    Après avoir erré longtemps, il parvint à un endroit où la rive était moins escarpée. Là, s’ouvrait un sentier qui s’enfonçait dans le bois, et Lancelot s’y engagea sans hésiter, dans l’espoir de trouver bientôt quelque ermitage où demander un peu de pain, car il commençait à avoir grand faim. Mais tout paraissait désert, et il chevaucha vainement presque tout le jour. Toutefois, vers le soir, il rencontra un chevalier qui se lamentait, courbé de douleur sur l’arçon. S’arrêtant à ses côtés, il lui demanda la cause de tant d’affliction.
    « Seigneur, répondit le chevalier, fais demi-tour, pour l’amour de Dieu, car si tu continues sur ce chemin, tu devras passer par un endroit redoutable et dangereux, celui-là même où j’ai été blessé. – De quel endroit parles-tu ? – Du passage, seigneur, qui se trouve au pied d’une forteresse que l’on nomme le Château des Barbes, parce que tout chevalier qui s’aventure dans ces parages doit ou bien abandonner sa barbe, ou bien se battre pour la conserver. J’ai refusé de donner la mienne, et je vais en mourir, je crains {55} . – Par ma foi !

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