Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
Vom Netzwerk:
s’empêcher d’être étrangement émue par l’inconnu, et elle lui aurait volontiers pardonné sur-le-champ, n’en eût été l’inconvenance. Elle ordonna donc de le dépouiller de son équipement et de lui infliger les pires tourments possibles. « Dame, reprit Girflet, au nom de Dieu, je te prie de m’accorder une grâce. – Je ne t’en concéderai d’autre que de te faire mettre à mort ! répliqua Brunissen. – Dame, insista Girflet, fais de ma personne ce qu’il te plaira mais, par pitié, laisse-moi dormir tout mon saoul avant de mourir. »
    Le sénéchal intervint alors : « Dame, dit-il, voilà qui ne présente aucun danger pour nous. Laissons-le dormir, puisqu’il y tient. Du reste, serait-il sage de le tuer avant de savoir qui il est et d’où il vient ? Nombre de ceux qui errent de par le monde en quête de combats et d’aventures sont des hommes puissants et de grande naissance. » Brunissen affecta quelque mécontentement, quoique, en elle-même, elle éprouvât grand plaisir du délai proposé par le sénéchal. Au surplus, elle se réjouissait que personne n’eût conseillé de laisser partir le captif. « Barons, dit-elle, s’il vous sied de me le garder, je vous le confie. Mais je vous préviens que si vous ne me le rendez pas demain matin, aucun de vous n’aura plus jamais mon amitié ni de paix avec moi. – Dame, compte sur nous. Aucun prisonnier n’aura été mieux gardé. »
    On emmena donc Girflet dans une salle où le sénéchal, ayant fait dresser un lit, disposa ensuite chevaliers et sergents tout autour et, avant de prendre congé de Girflet, lui demanda d’où il venait, ce qu’il cherchait et qui il était. « Je suis de la cour du roi Arthur, répondit le fils de Dôn. Je ne puis t’en dire davantage pour l’heure. Cesse donc de m’interroger et laisse-moi dormir. » Le sénéchal se retira sans insister, et Girflet se jeta tout habillé sur le lit et s’y endormit immédiatement.
    De son côté, Brunissen s’était couchée, mais elle ne put trouver le sommeil, tant la hantait l’image du chevalier. Et, toute soupirante malgré qu’elle en eût, elle décida à part elle que, quoi qu’il en pût résulter, elle ne se séparerait jamais plus de celui qui avait su toucher son cœur d’une manière si singulière, en empêchant ses oiseaux de la réconforter par leurs chants. « Non, se disait-elle, jamais je ne pourrais survivre à son absence. Je l’aime, cela ne fait aucun doute. Mais lui, que pense-t-il de moi ? Je ne sais s’il se plaît en ma compagnie. Si, pourtant, et il l’a bien fait paraître tout à l’heure en m’assurant qu’il me serait plus aisé de le retenir par ma nudité, mes seules armes naturelles, que ne le feraient cent chevaliers équipés de pied en cap. Mais non, vraiment, je suis folle, et tout cela est absurde : c’est par ruse qu’il a prononcé ces paroles, par dissimulation, à seule fin d’obtenir ma clémence, et il n’a d’autre projet en tête que de s’enfuir. Par Dieu, je ne tolérerai sûrement pas semblable lâcheté ! Je vais aller le surveiller moi-même, de peur qu’il ne s’échappe ! »
    Elle se leva, s’habilla rapidement, et, comme elle sortait de sa chambre, le guetteur de la tour fit retentir un appel auquel tous les gens du manoir répondirent en se levant et en se mettant à crier et à pleurer, poussant des plaintes qui déchiraient la nuit. Et si les dames et les jeunes filles de la tour faisaient de même, Brunissen ne fut pas la dernière à se lamenter, s’arrachant les cheveux, se tordant les mains et s’égratignant le visage. Et, à leur instar, dans la salle où dormait Girflet, les chevaliers et les sergents s’étaient levés en criant et menant un si grand vacarme que le fils de Dôn s’éveilla en sursaut. « Dieu ! s’écria-t-il, que se passe-t-il ? Seigneurs, quelle est la cause de ces plaintes ? Pourquoi cet excès de douleur ? » Or eux, loin de lui répondre, se précipitèrent sur lui en le rouant de coups. « Seigneurs ! hurla Girflet, quel mal vous ai-je fait pour mériter d’être ainsi frappé ? – Rustre ! fou ! fils de traître ! s’écrièrent-ils. Tu vas mourir, cela ne fait pas de doute ! » Et de le frapper, qui de son couteau ou de sa lance, qui de son épée, qui de sa masse d’armes, qui de sa cognée, qui de son bâton. Et Girflet avait beau désespérément tenter de se soustraire à leur fureur, il voyait trop qu’il

Weitere Kostenlose Bücher