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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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la fleur même des chevaliers ? Par Dieu tout-puissant, il serait bien lâche, celui qui te laisserait commettre un forfait si noir ! » Lionel se retourna : « De quoi te mêles-tu, chevalier ? dit-il. Si tu prétends le secourir, je t’avertis que tu auras affaire à moi, car je te tuerai comme lui ! »
    Le nouvel arrivant le dévisagea d’un air ébahi. « Comment ? s’écria-t-il. Est-il vrai que tu veux le tuer et tuer tous ceux qui s’opposeraient à ta fureur ? – Parfaitement, répondit Lionel, je le tuerai ! Et certes personne ne m’en empêchera ! Il a de si grands torts envers moi qu’il mérite la mort. » Et il se jeta de nouveau sur Bohort, prêt à le frapper ; mais le chevalier s’interposa, le prévenant que, dans ces conditions, il devrait l’affronter avant de s’en prendre à son frère. « Qui es-tu donc ? demanda Lionel. – Je suis Calogrenant, répondit l’autre, et je suis comme Bohort et comme toi chevalier de la Table Ronde. » Or, bien que Calogrenant se fût nommé, Lionel, loin de s’apaiser, devint fou furieux et, la bouche pleine de défi, se précipita contre lui, l’épée en avant, et lui porta un coup terrible. Mais Calogrenant avait lui-même saisi son épée et paré si fièrement l’assaut que la mêlée se prolongea. Entre-temps, Bohort avait repris conscience et, en voyant Calogrenant aux prises avec son frère, il éprouva une angoisse affreuse : si Calogrenant tuait en effet Lionel sous ses yeux, lui-même n’aurait plus jamais de joie ; qu’en revanche Lionel tuât Calogrenant, et lui-même en éprouverait une telle honte qu’il n’y pourrait survivre. Il aurait bien voulu les séparer, mais il se sentait si faible qu’il n’avait même pas la force de se relever. Il parvint néanmoins à se redresser et, rampant vers les combattants, les supplia d’arrêter. « Rien ne m’arrêtera ! » cria Lionel. Et, d’un violent coup de son épée, il transperça le cou de Calogrenant qui tomba mort, à ses pieds, dans un tel flot de sang que chaque fibre de Bohort en fut indignée. « Ah ! traître maudit ! s’exclama-t-il. Tu viens de tuer l’homme qui avait pris ma défense. Sois sans crainte, je me sens désormais capable de le venger ! » Et, faisant un terrible effort sur lui-même, il sauta sur ses pieds, fondit sur son frère, le renversa et lui mit son épée sur la gorge. « Dieu ! s’écria-t-il, je défends ma vie et je punis le meurtre que vient de commettre mon frère ! Je t’en supplie, mon Dieu, ne me l’impute pas à péché ! »
    Et il allait égorger Lionel quand un brandon de feu en semblance de foudre tomba entre eux, répandant tout autour des flammes si violentes qu’en un instant les boucliers de Lionel et de Bohort furent calcinés. Alors une voix s’éleva, qui venait du ciel ou du sommet des arbres, et cette voix disait : « Bohort ! Bohort ! fuis et laisse ici ton frère ! Ne le touche pas, car le tuer serait un grand crime ! Va-t’en, Bohort, et laisse Lionel à ses remords ! Il expiera dans les larmes le crime qu’il vient de commettre, et tu ne dois pas t’en mêler. Va maintenant vers la grande rivière qui borde cette forêt, car Perceval t’attend là-bas, au comble du dénuement, dans la plus grande angoisse ! » Sans réfléchir, Bohort obéit et, son épée toujours à la main, bondit en selle et piqua des deux. Et son cheval, en hennissant, l’emporta bien loin de l’endroit maudit qui l’avait fait témoin du meurtre d’un saint ermite et d’un preux chevalier et où lui-même avait failli tuer son frère.
    Le soir tombait quand il parvint à proximité d’un monastère perché sur un tertre et dont les moines l’accueillirent sans lui poser la moindre question. Il demeurait taciturne, le regard vide et aussi inexpressif que s’il avait perdu toute sa raison. On le conduisit dans une pièce où il s’étendit sans même se désarmer. Et il dormit là d’un sommeil très lourd jusqu’au moment où retentit une voix, celle-là même qui s’était manifestée quand il allait tuer son frère : « Bohort ! Bohort ! criait-elle, lève-toi et va vers la rivière. Il n’est que temps, car Perceval est au comble de l’angoisse et du dénuement. Va et ne perds pas confiance ! »
    Bondissant sur ses pieds, il traça le signe de la croix sur son front, puis il prit ses armes, alla retrouver son cheval, lui mit la selle et le mors et, ne voulant pas que les moines

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