Gisors et l'énigme des Templiers
bâton de pèlerin. Ils ont fait jaillir des sources auxquelles se
sont abreuvées des populations qui subirent le joug d’envahisseurs successifs,
les Gaulois bien sûr, puis les Romains et leurs légions, les Francs, les
Vikings. Et combien d’autres !
Les terres les plus chargées d’histoire sont celles qui ont
le plus souffert. C’est en vertu de cette histoire et de ces souffrances
qu’elles sont dignes d’intérêt, qu’elles provoquent les chercheurs, suscitent
en eux la quête passionnée de ce qui n’est pas toujours évident, de tout ce qui
se dissimule sous les ruines. Car il y a toujours quelque chose sous les
monuments écroulés, ne serait-ce que le rêve de ceux qui ne se contentent pas
des apparences.
Ainsi se présenta à moi Gisors, au temps où je m’acharnais à
remonter la vallée de l’Epte.
II
LES GRANDES HEURES DE GISORS
Il est vraisemblable que sur la butte où s’élève
actuellement le château de Gisors, se trouvait, à l’époque gauloise, une de ces
forteresses-refuges caractéristiques de la civilisation celtique. On sait, en
effet, que la société gauloise était essentiellement rurale, avec un habitat
dispersé le long des rivières ou dans les plaines, à l’orée des forêts. Chez
les Celtes, les villes, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, n’existaient
pratiquement pas. Il s’agissait plutôt de forteresses-refuges temporaires que
venaient occuper en cas de guerre les habitants des alentours. Ce n’est qu’au
premier siècle avant notre ère, juste avant la conquête romaine, que certaines
de ces forteresses devinrent des villes-marchés, car elles permettaient de
grands rassemblements de populations. Et quelques artisans, forgerons
notamment, prirent l’habitude de s’y installer. Ce fut le cas à Rouen et à
Laon, ou encore à Mont-Beuvray, l’antique Bibracte, et à Gergovie, capitale des
Arvernes. On peut donc facilement imaginer la situation de Gisors à l’époque
gauloise : une forteresse sur la butte, et, sur les bords de l’Epte, des
habitations occupées par des agriculteurs et des pasteurs. Le nom même de
Gisors, dont la forme la plus ancienne est Gisortium, tendrait à le
prouver : on y retrouve en effet, comme deuxième terme, le toponyme
celtique bien connu rit- (dont la forme latine est ritum ), signifiant « gué », et le nom entier
pourrait être interprété comme « l’herbage du gué ». Il est en tout
cas certain qu’il existait, sous la butte du château, un gué permettant à un
chemin – devenu ensuite voie romaine – qui venait de Beauvais et de Laon de
franchir l’Epte en direction de Rouen.
Ce qui est également certain, c’est l’importance de
l’occupation romaine à Gisors. Lors des différentes fouilles et des multiples
restaurations de l’église, on a découvert de nombreuses traces de la présence
romaine. Gisors était déjà un point stratégique à l’écart de la vallée de la
Seine mais permettant de surveiller efficacement un arrière-pays encore très
boisé et fréquenté par des populations dont les Romains n’étaient pas très
sûrs. C’est probablement à cette date que la ville proprement dite a commencé à
se développer, sous la butte du château, dans la boucle de l’Epte qui
constituait une défense naturelle, au confluent de la Troesne.
À l’époque mérovingienne, la ville semble s’être agrandie
considérablement. Nous savons que la plus grande partie du territoire de Gisors
dépendait du chapitre de la cathédrale de Rouen en vertu d’un acte de donation
du roi Clotaire II. De cette période, des vestiges importants ont été
retrouvés, notamment un cimetière qui se trouve sous la rue des Épousées, au
nord de l’église. La découverte fortuite de ce cimetière, en 1947, lors de
travaux de restauration et d’élargissement consécutifs aux dégâts des
bombardements, ainsi que la mise en évidence d’un ancien souterrain reliant
l’église au château, c’était plus qu’il n’en fallait pour ranimer les
commentaires, d’autant plus que l’existence de nombreux sarcophages est
prouvée. De là à parler de trésors enfouis dans le sous-sol de Gisors, il n’y
avait qu’un pas. Il fut franchi. C’est pourquoi j’entendis tant d’histoires au
sujet des souterrains du Vexin durant mon séjour de 1948.
À l’époque carolingienne, Gisors semble avoir participé
activement à la vie politique qui rayonnait autour de Laon, et à la vie
religieuse
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