Gisors et l'énigme des Templiers
où le drame s’était produit. On sait qu’il tint parole, et une statue
récente, sur un pont de l’Epte, rappelle cet événement qui eut lieu d’ailleurs
sur un autre bras de la rivière.
Maître décisif de Gisors, comme de toute la Normandie, en
1204, par suite de la déchéance de Jean sans Terre, Philippe Auguste en fit une
place forte destinée non seulement à surveiller l’arrière-pays, mais également
à la protection de la région parisienne contre toute agression venue du
nord-ouest. Il fit élargir la deuxième enceinte et construire la tour qu’on
appelle « Tour du Prisonnier » : une tour ronde qui domine les
fossés du château, au sud-est. Elle a vingt-huit mètres de haut sur quatorze
mètres de diamètre ; ses murs sont épais de quatre mètres, et elle
comprend trois salles superposées : la première est une salle de garde,
avec une grande cheminée ; la seconde, en dessous, était destinée à
conserver les archives ; la troisième, que l’on atteint par un étroit
escalier, est très sombre, ne recevant le jour que par quatre meurtrières. Cette
dernière salle était vraisemblablement une prison. Ses murs portent des
graffiti que l’on a prétendu être d’inspiration templière, et même de
véritables petites sculptures représentant des sujets religieux comparables à
ceux qu’on voit dans les églises. On a supposé que les prisonniers qui ont
séjourné là étaient soit des clercs, soit des ouvriers ayant travaillé à la
décoration d’églises.
Mais il y a évidemment une légende, peut-être basée sur un
fait réel. Un certain Nicolas Poulain, qui était l’amant d’une reine – on ne
nous dit pas laquelle –, aurait été enfermé dans cette prison. Il serait
parvenu à s’échapper en creusant un tunnel et en rejoignant des souterrains
parmi lesquels se trouvait une mystérieuse chapelle : « Il entra dans
une chambre près de la cage, et de là, monta contremont une paroi de pierre,
rompit un plancher et entra dans une chambre près de la chapelle
Sainte-Catherine, et puis entra en icelle chapelle en laquelle était
l’artillerie de notre dit château » [5] . C’est cette fameuse chapelle
qu’on a tant recherchée dans les années 1950 et 1960 parce qu’elle était censée
contenir le Trésor des Templiers ou des archives secrètes.
La légende prétend également que Nicolas Poulain, une fois
sorti de sa prison, se fit stupidement tuer d’un coup d’arquebuse, par un des
gardiens du château, au moment où il allait franchir les fossés pour rejoindre
la reine. Cette fable, car c’en est évidemment une, est assez intrigante. Qui
était ce mystérieux prisonnier ? Le nom – en fait, un surnom puisqu’à l’époque,
les patronymes n’étaient point encore fixés – de Poulain prête à commentaires,
puisque le terme désigne un Chrétien ayant fait souche en Terre sainte pendant
les Croisades. Les Templiers avaient, dans leurs rangs, un certain nombre de
« Poulains » qui leur étaient fort précieux pour la connaissance
qu’ils avaient de l’Occident. Ce Nicolas Poulain ne recouvrirait-il pas, sinon
un personnage, du moins un « message » laissé par les
Templiers ? Ce n’est pas impossible. Mais il n’y a aucune preuve. Et les graffiti
de la Tour du Prisonnier ne sont guère convaincants quant à leur origine
templière. Les sujets religieux, au Moyen Âge, appartenaient à tout le monde,
et chacun s’en servait selon ses propres convictions.
Quoi qu’il en soit, Gisors demeura possession française
jusqu’à la guerre de Cent Ans. C’est seulement en 1419 que le roi Henry V
d’Angleterre s’empara de la forteresse après un siège de trois semaines. Les
opérations militaires se succédèrent alors autour de Gisors et dans tout le
Vexin jusqu’en 1449 où le capitaine anglais Richard Merbury rendit la place au
sénéchal Pierre de Brézé. En 1465, pendant les troubles de la guerre dite du
« Bien public », la ville et le château de Gisors furent pris par le
duc de Calabre. Mais à partir de ce moment, la paix régna et la ville devint
prospère. Les habitants en profitèrent pour reconstruire leur église, laquelle
avait bien souffert des batailles.
Le chœur était celui de 1249, ainsi que ses deux bas-côtés.
Mais ce chœur qui se terminait par un mur plat, fut percé d’un grand arc brisé,
sans chapiteau, et on le prolongea par des chapelles formant déambulatoires. Et
au nord de la nef, on commença
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