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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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sa
désapprobation. Il dit notamment : « Nous ne saurions en vérité vous
exhorter aux guerres matérielles et aux combats visibles ; nous ne sommes
pas non plus aptes à vous enflammer pour les luttes de l’esprit, notre
occupation de chaque jour, mais nous désirons du moins vous avertir d’y songer.
Il est vain en effet d’attaquer les ennemis extérieurs, si l’on ne domine pas
d’abord ceux de l’intérieur… Faisons d’abord notre propre conquête, amis très
chers, et nous pourrons ensuite combattre avec sécurité nos ennemis du dehors.
Purifions nos âmes de leurs vices, et nous pourrons ensuite purger la terre des
barbares. » Et cette diatribe est suivie d’une référence à saint Paul,
dans l’Épître aux Éphésiens : « Ce n’est pas contre des adversaires
de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, les
Puissances, contre les régisseurs de ce monde des ténèbres, contre les esprits
du mal qui habitent les espaces célestes » ( Éphésiens ,
VI, 12).
    C’est pourquoi Hugues de Payns contre-attaqua. Il écrivit
des lettres, ou en fit écrire par des amis plus savants que lui en théologie –
car il ne semble pas avoir été très versé dans ce domaine –, dans lesquelles il
est dit que les reproches adressés au Temple sont infondés, et même qu’ils sont
une ruse du diable. Enfin, à court d’arguments, Hugues de Payns fit appel à
Bernard de Clairvaux. Celui-ci, après avoir longuement hésité, rédigea alors
son fameux « Éloge de la nouvelle milice ».
    Dans une première partie, Bernard de Clairvaux justifie et
décrit la mission qui incombe aux chevaliers du Christ. Pour ce faire, il
oppose la nouvelle chevalerie, les Templiers, à la chevalerie du siècle,
c’est-à-dire à tous les autres sans exception. « Où nous mènera cette milice profane, disons plutôt cette malice  ? »
se demande-t-il d’abord, en ne répugnant point à un jeu de mots facile. Et de
s’adresser directement aux chevaliers prisonniers du siècle : « Quel
aveuglement étrange, ou quelle fureur, que de dépenser tant d’argent et tant de
peine à faire une guerre dont le fruit ne peut être que la mort ou le
péché ! Vous couvrez vos chevaux de soie, vous doublez vos cuirasses de
longues étoffes pendantes, peignez vos lances, vos écus et vos selles ;
l’or et l’argent de vos mors et de vos étriers sont sertis de joyaux, et c’est
dans cet équipage que vous avez l’impudence d’aller provoquer la mort ?
Peut-être espérez-vous que l’or, les bijoux et la soie vous protégeront mieux
des coups de l’ennemi que le fer… Passons. J’ai contre vous un grief plus
grave, et dont votre conscience de chevaliers devrait s’épouvanter : je
pense à la frivolité des motifs qui vous poussent à la guerre. Pourquoi, en
effet, prenez-vous les armes ? Pour satisfaire un mouvement d’humeur, une
colère irraisonnée, un désir de gloire ou de conquête. Pensez-vous qu’on puisse
faire son salut en tuant ou en mourant pour de semblables motifs [31]  ? »
    Voilà une belle condamnation de la guerre, et tout à fait
dans la tradition de l’Église romaine depuis les origines. Conséquence du péché
originel, la guerre ne peut être que mauvaise et illicite. C’est le plus grand
fléau de l’humanité. Mais, bien entendu, cette théorie fondamentale s’est tout
de suite heurtée aux réalités de la vie quotidienne. Après tout, lorsque, sous
la conduite de Pilate, une cohorte romaine est venue arrêter Jésus au Jardin
des Oliviers, l’apôtre Pierre avait bien une épée dissimulée sous ses
vêtements, et il a voulu l’utiliser. S’il avait cette épée, ce n’était sûrement
pas par hasard. Ce détail évangélique en dit d’ailleurs assez long sur la
troupe de « hors-la-loi » toujours sur le qui-vive constituée par
Jésus et ses disciples. Certes, Jésus a empêché Pierre de poursuivre la lutte.
C’est sans doute qu’elle eût été sans issue. Ce passage de l’Évangile, que l’on
se garde bien de commenter en profondeur (sauf pour insister sur la
non-violence du Christ), n’avait pas échappé à l’attention des Pères de
l’Église. On en vint à nuancer la position théologique : une guerre dont
le but est d’acquérir richesses et honneurs est toujours illicite, mais une
guerre dont le but est de maintenir un droit, en premier lieu le droit de
vivre, est permise, à condition toutefois qu’elle ne soit

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