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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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tête.
    — Oui, elle voyage avec sa famille. Lui, au contraire, est seul.
    Il médita un bref instant.
    — L’écrivain l’aperçoit pour la première fois dans le hall. Elle est assise à la table voisine, au milieu de sa famille.
    — Et à quoi ressemble-t-elle ? demanda le commandant en jetant un regard éloquent sur le cadre argenté.
    Tron s’efforça de se rappeler le physique de Mlle Violetta. Avait-elle des cheveux bruns ou blonds ? Il ne savait plus. Il ne lui restait donc qu’à compter sur sa chance.
    — Elle est blonde.
    Une expression de joie traversa le visage de son supérieur. Gagné !
    — Elle a des cheveux, poursuivit-il avec animation, couleur de miel et son visage…
    Il s’arrêta une nouvelle fois pour réfléchir. Il serait imprudent d’entrer dans les détails.
    — Son visage, répéta-t-il d’un ton solennel, rappelle les statues grecques de l’époque la plus noble.
    Difficile de concevoir un style plus ennuyeux. Néanmoins, Spaur hocha la tête avec enthousiasme en prenant un air de connaisseur. Puis il s’inclina vers l’arrière et ferma les yeux. De toute évidence, il essayait de se représenter la scène.
    — Et comment est-elle vêtue le jour où il la voit pour la première fois ?
    Tron eut le sentiment qu’il espérait une tenue quelque peu excentrique.
    — Elle ne porte pas de robe de promenade car elle est encore très jeune.
    Oui, ça, c’était une bonne idée. Cette fantaisie donnerait au récit une pointe de piquant que Spaur apprécierait sans doute. Comme on pouvait s’y attendre, il rouvrit les yeux. Sa bouche aussi s’entrouvrit.
    — Elle porte une simple robe bleue avec un col blanc, précisa Tron.
    Son regard tomba sur la gravure au-dessus de l’ottomane, qui représentait un voilier.
    — Une sorte de robe de matelot.
    Ça existait, une robe de matelot ? En fait, songea-t-il, ça devrait plutôt s’appeler une robe de matelote. Quoi qu’il en soit, cette idée également parut plaire au commandant.
    — Une moussaillonne ? s’exclama-t-il en attrapant son verre de barolo et en se passant la langue sur les lèvres comme si la jeune Polonaise était un hachis de veau ou une panse de brebis.
    Tron commençait à se demander quelle sorte d’histoire son chef attendait de lui.
    — C’est un motif , dit Spaur après avoir reposé son verre, qu’il faut à tout prix développer.
    De quel motif parlait-il au juste ? À présent, un éclat lubrique brillait dans ses yeux – peut-être à cause du mystérieux motif . Il s’attaqua de nouveau à la gondole.
    — Pourriez-vous me transmettre une brève esquisse du début de la nouvelle ?
    Le commissaire toussota.
    — Une brève esquisse ?
    Spaur lui adressa un regard glacial.
    — Oui, deux feuilles de papier ministre. Avec une marge de trois doigts pour les corrections que Mlle Violetta et moi-même souhaiterions y apporter.
    À en juger par le ton de sa voix, l’entretien était terminé. Tron se leva. En regagnant la porte, il constata une certaine raideur dans ses articulations. On aurait dit qu’il venait d’avoir un accident.
    — Commissaire ?
    Tron, qui avait posé la main sur la poignée, se retourna. Allait-il enfin apprendre quel était ce mystérieux motif ?
    — J’exige, décréta son supérieur, que le dossier dont vous avez la charge soit dé-fi-ni-ti-ve-ment clos.
    Il avait prononcé chaque syllabe comme s’il s’adressait à une recrue indisciplinée. Son regard n’autorisait aucun doute sur le sens de la dernière phrase.
    — Je ne permettrai pas que vous soupçonniez de meurtre un homme qui m’invite ce soir dans sa loge en compagnie de Mlle Violetta.
     
    — Félicitations, dit la princesse une heure plus tard dans le palais Balbi-Valier. Le Titien est réapparu, le grand-prince est innocenté et l’assassin est mort. Un résultat idéal. Je comprends la satisfaction de Spaur.
    Tron avait jugé préférable de passer chez la princesse avant de rendre visite à Constancia Potocki – pour vérifier qu’elle n’avait pas un rendez-vous imprévu ce soir-là.
    Maria ôta son binocle et s’appuya contre le dossier de sa méridienne.
    — Quand vas-tu rendre le tableau à la reine ?
    — Dès que Sivry l’aura examiné. Il doit nous rendre son avis en début de semaine prochaine.
    — Et si c’est un original ? voulut savoir la princesse.
    — Ma théorie sera vérifiée et, avec la mort du père Terenzio, l’affaire sera close.
    — À qui la reine va-t-elle vendre

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