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Grands Zhéros de L'Histoire de France

Grands Zhéros de L'Histoire de France

Titel: Grands Zhéros de L'Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Clémentine Portier-Kaltenbach
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cartes marines comme une zone à éviter. « Impossible ! » note Jean-Yves Bloch, auteur de La Méduse, chronique d’un naufrage ordinaire, car la seule carte sous-marine dont disposait alors Chaumareys était la carte Belin, qui donnait des indications erronées. « Bien sûr que oui ! » suggère dans ses mémoires Corréard, rescapé du radeau. Que les cartes marines aient été imprécises, Chaumareys le savait. Il avait reçu une dépêche lui indiquant de ne pas trop se fier à l’emplacement où elles situaient le banc d’Arguin. Par ailleurs, il y avait à bord des personnes qui avaient déjà fait ce voyage et qui l’ont alerté en pure perte. Enfin, petite précision tout à fait anecdotique, l’historienne Nicole Raynaud écrit dans un article consacré à Chaumareys qu’il « suit les recommandations du comte de Rosily, directeur du dépôt des cartes marines ». Décidément, ce Rosily est partout, il fait des incursions dans les vies de chacun de nos zhér’eaux de mer : il pose le premier le pied aux Kerguelen, succède à Villeneuve après Trafalgar, conseille Chaumareys !
     
    Mais que Chaumareys ait ou non disposé des bonnes informations ne change pas grand-chose à l’affaire, puisque au moment de la manœuvre cruciale qui aurait pu permettre d’éviter le banc en question… il dort ! Soudain, un raclement épouvantable se fait entendre… c’en est fait ! Au soir du 2 juillet 1815, la Méduse est ensablée.
    Par son obstination, son aveuglement, son refus d’écouter les autres, Chaumareys vient de réussir le prodige de s’échouer à marée haute, par un temps radieux et une mer d’huile !
     
    Pendant les trois jours qui suivent, il multiplie les manœuvres ineptes, s’agite en pure perte. Un exemple ? Pour essayer de remettre la frégate à flot, les marins jettent tout ce qu’ils peuvent par-dessus bord, mais Chaumareys leur interdit de toucher aux canons, car il considère que ce serait là un crime de lèse-majesté. Le bateau reste donc bien trop lourd et n’a aucune chance d’être renfloué. Le mauvais temps se met alors de la partie et une grosse lame provoque une large brèche dans la cale. Échouée sur un banc de sable, la Méduse ne peut pas couler, mais elle est perdue. L’évacuation s’organise : les différents canots, yoles et chaloupes (six en tout) n’offrent que deux cent cinquante places pour trois cent quatre-vingt-quinze personnes à bord ! Deux cent trente et un privilégiés emprunteront ces embarcations où ils se tiendront assis et bien au sec tandis que les autres s’empileront sur le radeau construit à partir de la mâture de la Méduse. Il est prévu que les chaloupes remorquent le radeau jusqu’à la côte, qui n’est qu’à 150 kilomètres et que l’on peut même voir par temps clair.
     
    Lorsque le convoi de fortune est prêt, Chaumareys, contre les lois les plus sacrées de la marine, embarque dans les premiers sur une chaloupe, sous les huées des marins restés à bord et qui, rendus furieux par cette trahison de leur commandant, s’emparent de fusils et le mettent en joue. Des officiers s’interposent. S’étant déjà rendu coupable d’incompétence, Chaumareys signe là sa condamnation. En effet, « la loi de l’Honneur prescrit au commandant d’un bâtiment naufragé de le quitter le dernier ; M. de Chaumareys manqua à cette obligation en s’embarquant dans un canot alors qu’il y avait encore une soixantaine d’hommes sur la frégate (18) ». Dix-sept marins choisissent de rester à bord de la frégate ; trois survivront, que l’on retrouvera hébétés et à moitié fous.
    Quant au célèbre radeau, le tableau de Géricault ne lui rend pas justice. Si les naufragés sont effrayants à souhait, plus morts que vifs, exsangues, la peau verdâtre et l’œil hagard, le radeau peint par Géricault est quant à lui vraiment moins réaliste, car tout juste assez grand pour contenir une poignée de rescapés. Or le vrai radeau mesurait 20 mètres de long sur 7 mètres de large, soit 140 mètres carrés, de quoi accueillir près de cent cinquante personnes. Lecteurs qui imaginiez loger dans un cinq-pièces de taille plus qu’honorable, renoncez à cette illusion : votre appartement ne fait guère que la superficie du radeau de la Méduse ! À bord du radeau se trouvent, entre autres, le chirurgien Savigny et le géographe Corréard, auteurs du récit dont la publication déclenchera un énorme scandale en France. Les

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