Grands Zhéros de L'Histoire de France
académicien présent à l’Institut le 21 janvier, s’en met plein les poches le jour même de la mort de son roi ; délateur de service de l’Académie sous l’Empire. Pour finir, homme de lettres dont l’œuvre est tombée dans l’oubli le plus total. Pourtant, l’un de ses tout premiers ouvrages, écrit en 1754, alors qu’il n’avait que vingt-deux ans, en disait déjà long sur sa carrière prometteuse, puisque ce livre avait pour titre : Lettre écrite de l’autre monde par l’abbé Desfontaines et Fréron … à croire que les zhéros s’attirent entre eux !
Népomucène Lemercier
Alors que nous venons de mentionner le Dictionnaire des girouettes, il se trouve que le dernier « double zhéro » dont nous souhaitions faire état dans ce chapitre figure dans les deux versions de cet ouvrage. Il s’agit de Népomucène Lemercier (1771-1840), dont le prénom seul résonne comme celui d’un zhéro, avant même que nous ayons évoqué quoi que ce soit de sa trajectoire personnelle. Il y est signalé comme membre de l’Institut ayant tourné le dos à l’Empereur, alors qu’il avait composé une ode à l’occasion de son mariage : « Lyre, éveille-toi, Seconde d’un poète les chants par l’hymen inspiré. » Cette lourdeur, cette emphase, c’est tout à fait Népomucène ! Dans la seconde édition du dictionnaire, Népomucène est gratifié de quatre fanions, car « il n’a accepté ni places ni récompenses d’aucun gouvernement » ; cela aussi, c’était tout à fait lui !
Notre ultime « double zhéro » a ceci de particulièrement spectaculaire à nos yeux qu’il a sombré dans l’oubli comme s’il n’avait jamais rien produit, alors qu’il était considéré par ses contemporains comme un vrai génie et que ses œuvres se comptent par dizaines ! Sous le Directoire, ses pièces de théâtre et ses tragédies étaient aussi célèbres que celles d’un Molière ou d’un Racine aujourd’hui. Il rêvait de créer un grand Théâtre national, où seraient mises en scène des œuvres consacrées aux grands hommes de l’histoire de France… Un auteur chercheur de héros en quelque sorte !
Des seize tragédies et quinze comédies qu’il a écrites, la plus applaudie fut Agamemnon (1797), qui lui apporta la célébrité. À compter de ce succès, les salons les plus courus du Directoire, en particulier ceux de Mme de Staël et de Mme Tallien, se disputèrent « ce petit homme frêle à demi paralysé ». Bernardin de Saint-Pierre lui fit fête et Beaumarchais voulut devenir son éditeur. Le grand Talleyrand, qui avait pourtant une très haute opinion de lui-même, considérait Lemercier comme « l’homme qui cause le mieux en France ». Après le coup d’Etat du 18 brumaire, Népomucène devint l’un des habitués de la Malmaison et se lia d’amitié avec Bonaparte, qui aimait le théâtre. Mais cette amitié ne devait pas survivre à la proclamation de l’Empire désapprouvée par l’homme de lettres. Il rendit sa Légion d’honneur, dont il avait été l’un des premiers décorés, et se mit à critiquer constamment l’Empire dans ses pièces, ce qui valut à celles-ci d’être aussi constamment censurées. Lorsqu’il fut élu à l’Académie, le 11 avril 1810, ses collègues lui firent promettre de ne pas faire de scandale s’il devait se rendre aux Tuileries pour des cérémonies officielles, car ils connaissaient sa franchise et son culot.
Si Népomucène nous intéresse, ce n’est pas parce qu’il fut un « écrivain vedette » que nul ne lit plus de nos jours : c’est là le sort d’une multitude d’autres auteurs ! Prenez le grand Nicolas Haroncourt. Avez-vous jamais lu ses Poèmes hystériques , Les Naufragés , La Peur , La Démoralisation et le magistral Livre à mon chien ? Ni vous, ni moi, ni personne ne les a lus. Comme tous nos « doubles zhéros », Desfontaines, Fréron, Suard ou Népomucène Lemercier, les œuvres d’Haroncourt ont chu aux oubliettes de la littérature ! Inconnu au bataillon, Haroncourt est pourtant l’auteur de l’un des vers les plus fameux de la poésie française : « Partir, c’est mourir un peu ! » Tout le monde connaît ce vers, personne n’en connaît l’auteur ! Si ça n’est pas un beau zhéro de la littérature ?
Ce n’est donc pas le fait qu’il ait été adoré des foules puis oublié qui nous intéresse chez Lemercier. S’il est évoqué comme « double zhéro » dans ces pages, c’est parce
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