Hannibal, Sous les remparts de Rome
et le
félicitèrent chaleureusement de sa victoire. Plus hardi que les autres, le
maître de la cavalerie lança au fils d’Hamilcar :
— Permets-moi
de partir avec un contingent de cavaliers en direction de Rome. En forçant
l’allure, j’y serai dans deux jours et je t’attendrai sur le Capitole où nous
dînerons dans le temple de Jupiter, servis par les sénateurs enchaînés.
— Ta
proposition est séduisante mais je dois réfléchir avant de prendre une décision
de cette importance.
Rien ne
presse et, sous peu, je serai en mesure de te donner satisfaction.
— Ta
réponse me brise le cœur car je m’attendais à mieux de la part du fils d’Hamilcar.
Ton père n’aurait pas hésité un seul instant. Toi, tu ergotes et tu préfères
laisser l’ennemi s’échapper plutôt que de lui porter un coup fatal. J’en
conclus que les dieux, s’ils se sont montrés généreux envers toi, ne t’ont pas
tout donné. Tu sais vaincre mieux que quiconque mais tu ne sais pas profiter de
ta victoire.
— Maharbal,
si un autre officier que toi m’avait tenu ce langage, je l’aurais immédiatement
fait crucifier en raison de son insubordination. Je te porte trop d’estime pour
avoir entendu tes paroles. Aussi, à présent, que chacun vaque à ses
occupations. Nous reprendrons cette discussion à tête reposée. Veillez à
rassembler les armes et les boucliers abandonnés par l’ennemi et à regrouper
les milliers de prisonniers en deux catégories distinctes : les Italiens
et les Romains. Aux premiers, vous offrirez la liberté à condition qu’ils
s’engagent à ne plus nous faire la guerre. Quant aux seconds, qu’ils élisent
des délégués que je ferai accompagner à Rome par un ambassadeur afin de négocier
le montant de l’énorme rançon que nous demanderons à leurs familles. Faites
leur savoir que je leur parlerai demain et qu’ils seront surpris de ma
mansuétude. Maintenant, laissez-moi. Je dois me recueillir et rendre grâce à
Melqart des bontés dont il m’a comblé en ce jour qui restera fameux dans les
annales de Carthage parce qu’il efface d’un trait toutes les humiliations
subies depuis des années par notre patrie.
Chapitre 4
Dans le
camp carthaginois, les hommes fêtèrent leur victoire pendant plusieurs jours.
Ce fut une succession de ripailles et d’orgies durant lesquelles Gaulois et
Ibères rivalisèrent d’entrain et en vinrent parfois aux mains quand, grisés par
le vin, les soldats échangeaient entre eux des plaisanteries et des insultes.
Hannibal, lui, demeura sous sa tente, remuant sans cesse la même question dans
sa tête : devait-il ou non marcher sur Rome ?
Maharbal
et Magon le pressaient de le faire mais leurs conseils, soigneusement
argumentes, se heurtaient à l’opposition d’Hélène qui l’adjurait, en usant de
ses charmes, de descendre sur le Bruttium [36] . Elle savait que
cette proposition avait tout pour plaire à son compagnon dans le cœur duquel
elle lisait à livre ouvert. Il suffisait de l’observer pour deviner que le chef
punique n’avait aucune envie d’entrer en triomphateur dans la cité de Romulus.
Il n’aurait eu alors le choix qu’entre la détruire de fond en comble, ce qui
lui répugnait, ou y laisser pour très longtemps une forte garnison,
immobilisant ainsi des milliers d’hommes en vain. Il était de la race des
conquérants qui se refusent à écraser totalement leur ennemi de peur de ne plus
avoir à le combattre et de devoir se résoudre à regagner, couverts de gloire et
d’honneurs, leur patrie. Hélène l’avait deviné et riait sous cape lorsque
Hannibal, le soir venu, lui parlait longuement de ses projets et de la
prochaine conclusion d’une trêve avec Rome. Il était intarissable à ce sujet
comme s’il voulait non point la convaincre, elle, mais se convaincre, lui, de
la justesse de ce dessein. Un matin, Magon, que la jeune femme détestait,
pénétra sous la tente de son frère, et, l’air soucieux, lui demanda :
— Tes
officiers s’impatientent et veulent savoir ce que tu comptes faire. Ils ne
t’ont point offert la victoire pour que tu te prélasses sur ta couche en te
gavant de vin et de mets fins. Quelles sont donc tes intentions ?
— Conclure
la paix avec Rome.
— La
paix. Comment peux-tu y songer alors que nous sommes vainqueurs et que nous
pouvons nous emparer sans coup férir de la ville ! Est-ce pour un si maigre
résultat que tu nous as infligé autant de souffrances et
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