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Hannibal, Sous les remparts de Rome

Hannibal, Sous les remparts de Rome

Titel: Hannibal, Sous les remparts de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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triple ou le
quadruple ! Ce serait forger de nos propres mains notre malheur, aussi
repoussons, la mort dans l’âme, la proposition qui nous est faite et, puisque
ces Romains prétendent aimer leur patrie, qu’ils la servent en sacrifiant pour
elle leur liberté ! À cette condition, leur souvenir ne sera pas maudit
par leurs descendants et ils pourront avoir la consolation de penser qu’ils ont
de la sorte sauvé leur ville de l’anéantissement.
    — Il
existe une autre solution, fit une voix protégeant soigneusement son
anonymat : conclure la paix avec Carthage. Le traité comportera une clause
relative aux captifs et leur sort sera ainsi réglé. D’ailleurs, tout devrait
nous inciter à déposer les armes car nous n’avons plus les moyens d’arrêter
l’armée punique si elle prend le chemin de notre cité.
    — C’est
là le piège que nous tend le borgne et, qui que tu sois, je suis heureux que tu
aies fait cette honteuse proposition qui brûle les lèvres de bien de tes
collègues. Elle nous permet de mieux comprendre les intentions cachées de
l’ennemi. Oui, le fils d’Hamilcar veut que nous demandions la paix comme l’ont
fait ses pères après leur défaite en Sicile car ils craignaient de devoir
puiser dans leur fortune personnelle pour financer la poursuite des opérations
militaires. Les Carthaginois sont une race de vils marchands et ils ignorent ce
que le mot honneur veut dire. Nous, les descendants de Romulus, nous sommes
faits d’une autre trempe. Nous ne sommes pas des négociants, mais des soldats
préoccupés uniquement de la gloire de nos enseignes. Tu prétends que la
situation est désespérée. La belle affaire ! À plusieurs reprises, quand
nous combattions contre les Gaulois ou contre Pyrrhus, le roi d’Épire, nous
nous sommes trouvés à deux doigts de la capitulation. Chaque fois, les dieux
sont venus à notre rescousse et nous ont permis de triompher de l’adversité.
L’avantage est aujourd’hui dans le camp de Carthage. Pour combien de temps
encore ? Croyez-moi, en refusant les offres trompeuses d’Hannibal, vous
placerez celui-ci dans une position difficile dont il aura bien du mal à se
dépêtrer. Vous lui prouverez que Rome n’est pas, comme il le croit, à genoux,
et dans l’impossibilité de se relever et ce sera pour lui une défaite cinglante
qui sonnera la fin de ses espérances. À vous de choisir ce que l’intérêt de
notre cité commande !
    Le
discours empreint de fermeté de Lucius Manlius Torquatus avait ébranlé bon nombre
de ses collègues et, à une large majorité, ceux-ci décidèrent de ne pas
autoriser le rachat des prisonniers. Leur délégué fut reconduit sous bonne
escorte jusqu’au camp de Carthalon. Quand il informa ses neuf autres compagnons
d’infortune de la décision du Sénat, l’un d’entre eux, désespéré à l’idée de ne
pas revoir les siens, profita de l’obscurité pour s’enfuir et gagner Rome où sa
famille l’accueillit avec des larmes de joie. Informé de ce fait, Marcus Junius
Péra fit arrêter le fugitif et le renvoya jusqu’aux positions puniques afin que
nul, parmi les victimes du décret sénatorial, ne puisse prétendre avoir échappé
au sort commun.
     
    ***
     
    Hannibal
ne cacha pas son désappointement lorsque Carthalon lui rendit compte de l’échec
de son ambassade mais il ne tarda pas à reprendre ses esprits. Les Romains
voulaient la guerre, ils l’auraient et verseraient des pleurs de sang pour prix
de leur criminelle obstination. Sa première décision fut de dépêcher son frère
cadet à Carthage afin de solliciter du Conseil des Cent Quatre l’envoi de
renforts, en particulier d’éléphants dont l’absence lui avait fait cruellement
défaut lors des précédentes batailles. À son arrivée dans sa ville natale,
qu’il n’avait pas revue depuis dix ans, Magon fut accueilli par le peuple en délire
qui scandait son nom et celui de son frère. Afin d’impressionner les
magistrats, il se rendit au Sénat précédé par des dizaines d’esclaves portant
dans des paniers d’osier les bagues en or prises sur les cadavres des
chevaliers romains tombés à Trasimène et à Cannae. Derrière lui, marchaient,
chargés de lourdes chaînes, des sénateurs, des questeurs, des préteurs et des
édiles faits prisonniers, que l’on avait obligés à revêtir leurs toges
d’apparat. Ils s’avançaient sous les huées et les quolibets de la foule joyeuse
qui se pressait dans les rues

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