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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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dans les jours à venir, un vent de
défaitisme ne souffle sur notre ville. Les partisans d’Hannon le Rab ne
manqueront pas d’exploiter ce mécontentement et de vouloir saper notre
autorité. Il est donc urgent de réagir.
    — Que
suggères-tu ? me demanda mon père.
    — Il
faut briser dans l’œuf toute tentative de négociation avec les Romains. Le seul
moyen d’y parvenir est de créer entre eux et nous une situation de non-retour.
    — Comment ?
    — Nous
avons fait prisonniers deux cents de leurs légionnaires et nous les avons
jusqu’à présent traités correctement. Si nous procédons à leur exécution, leurs
compatriotes nous voueront une telle haine qu’ils se refuseront à traiter avec
nous. De la sorte, nous couperons l’herbe sous le pied de ceux qui s’imaginent
encore pouvoir apitoyer notre ennemi car ce dernier les tiendra pour également
responsables de cette tuerie.
    — Tu
oublies, Hasdrubal, me rétorqua Mutumbaal, qu’il détient en otages, à Lilybée,
trois cents enfants des meilleures familles de cette ville et que, cette nuit,
plusieurs milliers de nos compatriotes sont tombés entre ses mains. Ceux-ci
pourraient payer de leur vie ce forfait.
    — S’agissant
des otages, voilà des mois que nous n’avons eu aucune nouvelle de ces
malheureux et rien ne nous permet de penser qu’ils sont encore de ce monde.
Peut-être ont-ils été exécutés lors de la déclaration de guerre. Si tel n’était
pas le cas, ils n’ont rien à redouter de nos décisions. Nous pouvons, selon
moi, massacrer les prisonniers romains en toute impunité. Après tout, notre
adversaire nous a devancés sur ce terrain. Souvenez-vous de ce qui s’est passé
à Neapolis : les habitants de cette cité s’étaient rendus au consul Lucius
Manilius et, pourtant, ses troupes, violant les termes de l’acte de
capitulation, ont froidement tué celles et ceux auxquels l’on avait promis la
vie sauve. Plusieurs milliers de civils innocents ont ainsi péri et je n’ai pas
besoin de vous rappeler les conséquences catastrophiques de ce crime pour les
Romains. Les villes et les comptoirs puniques qui s’apprêtaient à faire leur
soumission ont rompu les pourparlers engagés en ce sens. Scipion Aemilianus se
gardera bien d’ordonner le meurtre de nos otages à titre de représailles. Il
est trop fin politique pour cela. Certes, il proclamera hautement que
l’abominable forfait dont nous nous serons rendus coupables nous met hors la
loi et empêche la conclusion d’une paix entre nos deux cités. Mais il préférera
épargner les trois cents détenus de Lilybée afin de pouvoir faire étalage de sa
clémence et se servir de celle-ci pour rallier ceux de nos compatriotes qui lui
résistent encore, à Aspis ou à Hippo Dhiarrytus. Ce sera sa manière à lui
d’expier la faute commise par ses prédécesseurs à Neapolis. Quant aux captifs
de cette nuit, il les épargnera pour une simple raison : je suppose qu’il
va entreprendre des travaux de terrassement autour de notre ville et il aura
donc besoin de main-d’œuvre. Je vous supplie de me croire sur ce point :
entre nous et lui, la partie est inégale. Nous pouvons nous permettre ce que je
veux bien accepter de considérer comme un crime mais comme un crime utile. Lui
est dans l’impossibilité de venger les siens en versant le sang de nos enfants
ou de nos compatriotes.
    Les
membres du Conseil des Cent Quatre se retirèrent pour délibérer longuement sur
ma proposition. Après des débats passionnés, ils décidèrent que les intérêts
supérieurs de Carthage rendaient nécessaire le sacrifice des captifs que nous
détenions, à condition toutefois que ce geste soit présenté comme notre réponse
au massacre de Neapolis et que j’accepte d’en porter l’entière responsabilité.
Cette exigence fut loin de me surprendre et je leur promis de leur transmettre,
afin qu’il soit conservé dans nos archives, un ordre signé de ma main, prouvant
que j’étais seul à l’origine de cette mesure.
    J’étais
suffisamment averti de la bassesse de l’âme humaine pour ne pas ignorer que
certains de nos magistrats ne se feraient pas faute d’envoyer des messagers à
Publius Cornélius Scipion Aemilianus pour l’informer que je leur avais forcé la
main en usant de la menace. En termes soigneusement choisis, ils lui
expliqueraient que, s’il n’avait tenu qu’à eux, jamais ils n’auraient pris
pareille décision mais qu’ils étaient les

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