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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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se demanda si Elise avait approuvé sa présence. La jeune Irlandaise couvait le fils de la maison du regard, ce qui était sûrement pour lui plaire, et Renaud couvait l'amie de la famille du sien, ce qui la révulsait sans doute.
    Pourtant, la fille de son hôtesse garda sa contenance au moment de lui présenter ses deux frères cadets, de grands collégiens insignifiants. Verdict plutôt indulgent, car lui-même se souvenait d'avoir été particulièrement insignifiant à leur âge. Il y avait aussi deux adolescentes rougissantes. Renaud ne comprit pas trop quel était leur lien de parenté avec les Trudel. Il semblait si ténu qu'elles devaient être là pour tenir compagnie aux deux jeunes garçons. Si les choses en venaient là, les familles feraient l'économie d'une demande de dispense à l'Eglise dans le cas d'un mariage.
    Le visiteur avait encore eu la prudence d'arriver à l'heure dite. Aussi, à sa grande satisfaction, il n'eut pas à se souvenir du programme des années de philosophie du cours classique «de son temps», sur lequel l'un des deux jeunes Trudel voulait tout à coup des précisions. Tous les convives se retrouvèrent dans une salle à manger luxueuse, un peu trop meublée pour être de bon goût. Renaud put alors saluer mesdames Bégin et Trudel, mais surtout madame Descôteaux, qu'il ne connaissait pas encore. Un instant après, Antoine Trudel arriva accompagné de Philippe-Auguste Descôteaux en personne. Ils devaient être tous deux enfermés dans le bureau du maître de la maison.
    —    Enchanté, monsieur le premier ministre, murmura Renaud en lui serrant la main.
    Il reconnaissait là le petit homme maigre croisé quelques fois avant 1914. A cette époque, il s'agissait d'un ministre carriériste. Depuis, l'homme avait réalisé quelques-unes de ses ambitions.
    —    Je suis très heureux de vous rencontrer, monsieur Daigle. Je me félicite déjà d'avoir demandé à Antoine de vous recruter. J'entends les plus grands éloges de votre contribution à notre affaire du Labrador.
    C'était là une louange inattendue, sans doute de pure politesse. L'avocat l'apprécia néanmoins car il avait consacré bien du temps à cette question depuis une semaine. La présence du premier ministre chez les Trudel ne le surprenait guère. Armand Bégin lui avait bien dit combien ceux-là étaient comme cul et chemise, dans des termes plus choisis, bien sûr.
    La disposition des convives autour de la table répétait celle de La Malbaie un mois plus tôt. Les Trudel, Descôteaux cl Bégin faisaient bloc à un bout, les jeunes collégiens et les couventines à l'autre. Renaud se trouvait de nouveau avec Elise, Henri avec Helen. Michel Bégin était certes le plus mal servi de tous, isolé entre ces deux blocs. Il ne devait pas avoir de promise, pour se trouver ainsi la énième roue du carrosse.
    La conversation commença lentement. Le père Trudel murmurait à l'oreille de Descôteaux, les autres essayaient d'écouter discrètement et n'y arrivaient pas. Les collégiens étaient les seuls à sembler s'amuser en faisant des imitations de leurs professeurs. A tout le moins, ils amusaient les couventines qui gloussaient de l'attention dont elles étaient l'objet, sinon de leurs mimiques.
    —    Il y a longtemps que vous êtes revenue de La Malbaie ? demanda Renaud à sa voisine.
    —    Une semaine tout juste.
    —    La beauté des lieux ne risque-t-elle pas de vous manquer ?
    —    Charlevoix l'été, avec le minimum de vie sociale qu'apportent les estivants, c'est agréable. Je ne suis pas certaine que l'hiver, ce soit tellement réjouissant. Le vent dans les arbres dénudés, la terre sous un mètre de neige, cela doit être plutôt lugubre. Cela peut convenir à un ermite, pas à une jeune femme.
    Son voisin esquissa un sourire narquois avant de glisser :
    —    Vous préférez les lumières de la ville.
    —    Je sens une pointe d'ironie pour notre petite ville de Québec. Il est vrai qu'après des années à Londres, vous ne devez pas faire de différence entre La Malbaie et Québec.
    —    J'ai un peu peur de m'ennuyer, je le confesse. Une crainte bien artificielle, car même au cœur d'une ville de plusieurs millions d'habitants on fréquente finalement cinquante personnes, tout au plus. Les autres forment un décor, en quelque sorte.
    Sa voisine lui adressa un regard sceptique.
    —    Vous avez quitté les spectacles, les musées. Quand les cinquante

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