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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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personnes dont vous parlez vous ennuient, il y a des choses à faire dans une grande cité. Ici, on ne peut qu'aller voir la collection d'oiseaux empaillés de l'Université Laval tous les dimanches.
    —    N'y a-t-il pas aussi une collection de médailles et de pièces de monnaie ?
    Elle éclata de rire. Sa mère lui lança un regard curieux et eut un sourire satisfait. Renaud appréciait bien la compagnie de cette grande jeune femme. « Dommage que l'on ne puisse pas avoir de femmes comme amies », se dit-il.
    Cette appréciation de sa voisine ne l'empêchait guère de jeter des regards discrets de l'autre côté de la table. Helen affichait son habituelle mine enjouée, elle soulevait un sujet de conversation après l'autre, sans succès. Henri semblait perdu dans la contemplation de son potage. Tellement que monsieur Trudel lançait des regards inquiets à son fils.
    Renaud murmura à Elise, quand son rire mourut sur ses lèvres :
    —    Vous aimeriez vivre ailleurs ?
    —    Je ne sais pas. C'est une question toute théorique. Je suis allée en Europe en 1920, et j'ai été éblouie par les grandes capitales, même si les privations de l'après-guerre demeuraient cruelles.
    Renaud acquiesça. Moins de deux mois plus tôt, Paris, et même Londres, demeuraient encore marqués par ces événements dramatiques.
    —    Tout me semblait merveilleux. Aller au concert ou à l'opéra deux ou trois soirs par semaine doit être grisant. Peut-être aussi qu'avec le temps cela ne présente pas plus d'attrait que les oiseaux empaillés de l'Université.
    —    Tout de même un peu plus, consentit à dire son compagnon dans un sourire.
    —    Alors, qu'allez-vous faire de vos longues soirées d'hiver?
    Élise fixait sur lui de grands yeux gris empreints de curiosité.
    —    Lire, je présume. Je faisais la même chose à Londres, la plupart du temps.
    —    Quel est votre poète préféré? fit-elle soudainement.
    Elle cherchait entre eux des affinités.
    —    Français ou anglais? demanda-t-il avec un soupçon de suffisance.
    —    Français, bien sûr. Je ne maîtrise pas assez bien l'anglais pour apprécier la poésie dans cette langue, admit-elle en rougissant.
    —    Au début, c'est parce que j'aimais les auteurs anglais que j'ai voulu apprendre la langue. J'aimais leurs œuvres, même si je ne comprenais pas tout... C'est Alfred de Musset.
    —    Moi aussi !
    La jeune femme afficha un sourire ravi quand elle commença à réciter :
    —    Un soir, nous étions seuls, fêtais assis près d'elle; Elle penchait la tête, et sur son clavecin
    —    Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main, continua-
    t-il.
    Les yeux de sa compagne trahissaient quelque chose comme la naissance d'un amour fou. Cette impression le rendit mal à l'aise par sa netteté, comme devant une scène indécente. Bien sûr, le malaise tenait largement à tous les yeux tournés vers eux. Ceux de la mère d'Elise, satisfaits, ceux de Helen et des couventines, envieux. Le grand malheur de Renaud était de ne pas toujours se rendre compte quand il touchait quelqu'un, et de faire toute une histoire quand il s'amourachait d'une personne ne payant pas ses sentiments de retour. Si Elise avait été aussi susceptible que lui dans ces cas-là, elle lui aurait enfoncé sa cuillère à soupe dans un œil, tellement il louchait de l'autre côté de la table. Seule une ombre dans ses yeux trahit sa déception. Elle attendit le retour de son regard vers elle.
    —    Je suis revenu à Québec car mes livres demeureront avec moi, dit-il encore. On joue souvent à se demander ce que l'on amènerait avec soi sur une île déserte. Ce serait ma bibliothèque. Quant à l'Europe, j'espère pouvoir y retourner régulièrement pour faire des provisions de souvenirs.
    Ce ne serait pas une consolation pour elle. Une jeune fille respectable ne pouvait espérer aller en Europe toute seule, quand l'envie lui en prenait. Dans les meilleurs milieux de Québec, un long voyage outre-mer, sous la gouverne d'un chaperon, venait souvent compléter l'éducation reçue au couvent. Par la suite, c'est au bras d'un mari que l'on y retournait. Ou alors, si l'on était restée célibataire, à un âge suffisamment respectable pour que personne ne puisse songer à la recherche d'aventures. Cela signifiait après avoir atteint les quarante, sinon les cinquante ans.
    Elle lui répondit néanmoins :
    —    La grande

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