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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bien sûr.
    —    Mon père n'est pas certain que les femmes devraient voter, pour toute une série de raisons compliquées. Mais il ne prétendra jamais que ma mère ou mes sœurs manquent de jugement ou d'intelligence. Lafrance parle des femmes comme d'une population sous-humaine.
    Les événements du 3 juillet précédent interdisaient à Bégin de se croire tellement mieux que Lafrance. Au fond, la seule différence entre eux était ses remords profonds, alors que son ami se préoccupait surtout de ne pas se faire prendre.
    —    Avez-vous un surnom ? En ai-je un ? demanda Renaud.
    —    Je ne pense pas en avoir un. Quoique, dans mon dos, je ne sais pas comment on m'appelle. En ce qui vous concerne...
    Il hésita un moment, puis continua :
    —    Ce n'est pas bien méchant : le « héros de guerre ».
    —    C'est peut-être inexact, mais ce n'est pas méchant, j'en conviens. L'habitude est venue de mon accoutrement au souper de La Malbaie ?
    —    Oui, une initiative d'Henri Trudel, je crois, fit Bégin.
    Cela pouvait tout aussi bien venir d'Élise Trudel, de Helen McPhail ou de Bégin lui-même, songea Renaud. Il regarda sa montre pour se rendre compte qu'il avait gaspillé une bonne partie de l'après-midi. Il pouvait tout aussi bien rester là encore un peu.
    —    Je n'ai pas eu l'occasion de vous demander ce que vous entendiez faire après vos études. Vous prendrez la relève de votre père ? Vous êtes le seul garçon de la famille.
    —    Cette orientation a toujours été sous-entendue, le paternel compte sûrement sur moi. Je n'en suis pas si assuré maintenant. Je vais terminer l'année académique, mais je laisserai peut-être le programme d'études avant la rentrée de septembre. Ne dites pas cela à mon père. Je réfléchis à mon avenir, c'est tout.
    —    Que feriez-vous ? Chercher un emploi sans diplôme ? Je ne vous le conseille pas. Vous êtes rendu trop loin dans le programme et vous n'aurez certes pas de difficultés, financières ou académiques, à le terminer.
    Son interlocuteur se troubla un peu avant de préciser :
    —    Non, ce n'est pas cela. Je songe à entrer dans les ordres...
    —    Vous inscrire en théologie ? fit Renaud, incrédule.
    Cette orientation convenait à des garçons de la campagne
    mal dégrossis, désireux d'une carrière facile et peu exigeante, rarement à des héritiers de bonnes fortunes.
    —    Je pense plutôt à une communauté de prêtres.
    «Ce sera une bonne façon d'expier, de calmer mes remords», songea l'étudiant. Il espérait trouver la paix en s'affublant d'une robe noire et d'un col romain.
    —    Je m'excuse si je parais surpris, expliqua Renaud. N'étant pas moi-même très porté sur la religion, c'est une éventualité que je n'ai jamais envisagée. Je croyais votre avenir tout tracé.
    Ils échangèrent encore quelques phrases. À la fin, Bégin se leva à son tour en expliquant :
    —    J'ai quelques heures de lectures à effectuer, en droit constitutionnel. Le mieux est de commencer tout de suite si je ne veux pas décevoir le professeur.
    —    Ce n'est pas une mauvaise idée, convint le professeur en question.
    Les petits-déjeuners étaient plutôt tranquilles dans la grande maison des Trudel. Le plus souvent, la mère le prenait dans sa chambre, le père au lever du soleil dans son bureau, avec les journaux du jour à la main. Très tôt ce matin, il était parti vers l'hôtel du Parlement, tremblant de rage, l'Evénement et Le Soleil chiffonnés dans sa serviette de cuir. Les deux collégiens déjeunaient eux aussi de bon matin, dans la salle ;i manger. En conséquence, Henri et Elise se croisaient dans la même pièce un peu plus tard. Les domestiques devaient donc rester devant le poêle, refaire fréquemment la provision de café, jusqu'à ce que tout le monde ait terminé.
    Ce jeudi matin, Elise se leva un peu tard à cause de ses activités politiques de la veille. Elle rencontra son frère au moment où celui-ci terminait son café. Depuis des semaines, il affichait un air terriblement préoccupé. Elle ne reconnaissait pas le garçon arrogant, prétentieux mais toujours débordant d'énergie qu'il avait toujours été. Elle attribuait cela au fait que son séjour d'une année à Boston avait été remis, sans que personne dans la maison n'évoque la raison de cette modification au programme. Après avoir échangé les bonjours d'usage, il lui demanda :
    —

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