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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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   Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ? Continuer ton travail avec notre ami Lapointe ?
    —    Je ferai cela tous les jours d'ici le 29 octobre, et ensuite je m'ennuierai terriblement.
    —    Tu comptes rencontrer ton Renaud Daigle ?
    Le passage du «notre» au «ton» n'échappa pas à sa sœur.
    —    D'abord, ce n'est pas mon Renaud Daigle. Ensuite, oui, j'aimerais qu'il se joigne à moi.
    La colère durcissait sa voix. Son frère l'avait trop souvent taquinée sur le passage des années et les hommes qui la trouvaient trop intelligente pour eux.
    —    Je m'excuse, fit-il, penaud.
    Cela surprit sa sœur : ce n'était pas dans ses habitudes de s'excuser ainsi. Il changeait vraiment. Il continua :
    —Je ne l'apprécie pas du tout. D'abord, je ne vois pas pourquoi Armand Bégin se croit autorisé à nous l'imposer parce qu'il a bien connu son père. Puis sa façon de ramasser les contrats, de s'immiscer dans une campagne électorale où il ne comprend rien, m'horripile.
    —    Ma parole, serais-tu jaloux parce qu'il s'attire un peu de l'attention que tu voudrais toute pour toi ?
    Cette découverte la fit éclater de rire.
    —    Tu pourrais te considérer heureux de maîtriser juste un peu de ce que lui comprend à la politique, ajouta-t-elle.
    Il rougit,, pensa l'envoyer promener. Lui jaloux ! Ce pédant, compétent en politique ?
    Puis il en convint. Ce grand dadais venu d'Europe attirait tellement l'attention. Il avait fait un doctorat en Angleterre, il arborait une rangée de décorations sur son uniforme. Après réflexion, Henri convenait que ses diplômes le distinguaient du reste du personnel de l'Université Laval. Surtout, il se demandait comment il aurait réagi devant l'ennemi. Adolescent pendant la guerre, le jeune homme s'était imaginé tuant des milliers de «Boches». Maintenant, il était terrorisé à l'idée de voir la police venir cogner à la porte, et il voyait ce grand pédant évoquer ses médailles en jouant au modeste.
    Henri avait rougi d'envie au moment d'entendre Elise relater l'accueil au mess des officiers. Quelques allusions à ses batailles, un regard sur les décorations, et ils l'avaient considéré comme un «brave». Le jeune héritier voyait ses rêves de grandeur se briser sur une histoire de viol, et ce type, dont la maladresse et la timidité devraient le faire sourire, avait fait face à la mitraille, accumulant trois blessures.
    —    Je pense que tu as raison, admit-il.
    Elle le regarda avec inquiétude. Elle savait avoir raison, mais il était tout à fait étonnant de voir son frère en convenir. Il continua :
    —    J'ai bien peur d'avoir été désagréable avec lui hier. J'espère que cela ne gâchera rien.
    Le désarroi sur le visage de sa sœur lui inspira du remords. Elle le regarda avec inquiétude. Quand elle ouvrit la bouche, sa voix devint chevrotante :
    —    Tu sais comment j'ai réagi quand les parents ont convenu avec Bégin de l'inviter. Depuis cinq ans, dix hommes au moins sont venus examiner la vieille fille Trudel. Mon Dieu, maman a commencé à s'inquiéter de me voir rester seule quand j'avais tout juste vingt et un ans. Elle agit comme si j'étais une disgrâce pour la famille. Et, à ma grande surprise, il est arrivé à La Malbaie quelqu'un dont l'horizon dépassait notre médiocre petite Haute-Ville.
    Ses yeux brillaient, elle faisait un effort extrême pour ne pas verser une larme.
    —    Je vais m'excuser, murmura son frère d'une toute petite voix. Je te le promets, je vais le faire dès aujourd'hui.
    Cet engagement fit rouler deux larmes sur les joues de sa sœur. Elle ne put faire autrement que de les essuyer cette fois. Ils restèrent un long moment sans dire un mot. Elle n'avalerait plus une bouchée. Henri continua :
    —    Je ne te dis pas cela pour te faire de la peine, mais il semble entiché de Helen. Il lorgne toujours vers elle. C'est un peu ridicule pour quelqu'un de son âge d'ailleurs.
    Il n'osait pas lever les yeux sur son interlocutrice en disant
    cela.
    —    Helen fait des efforts considérables pour que quelqu'un la remarque. Cependant, ce n'est pas pour attirer l'attention de Renaud.
    Sa voix ne contenait pas une once de reproche pour Helen. Comment demander à son frère de s'intéresser à la jeune Irlandaise juste pour mettre fin à son minaudage ?
    —    Il a dix ans de plus qu'elle, insista le jeune homme.
    —    A l'âge de Helen, il était sur les champs

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