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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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troisième année de droit, je crois. Qu'entendez-vous faire une fois vos études terminées ?
    —    Chercher du travail, dit-il d'une voix timide.
    Les autres éclatèrent de rire. Il précisa d'un ton plus affirmé en rougissant:
    —    Je n'hériterai pas d'une étude de notaire, ni des affaires de mon père. Ma mère est veuve. Je suis chanceux de pouvoir étudier mais, après cela, il me faudra dénicher quelque chose. Le mieux pour moi serait un travail dans un ministère. C'est pour cela que je fréquente des membres si éminents du parti au pouvoir. Je dois être opportuniste.
    Présentée comme cela, cette déclaration ne demandait aucun commentaire. Marceau paraissait terriblement morose. Renaud allait poser la même question à Michel Bégin quand Henri Trudel le devança :
    —    Et vous, monsieur le professeur, quels sont vos projets d'avenir? Après votre carrière en Europe...
    Le grand jeune homme jugea inutile de préciser: «vous connaissez une véritable déchéance à l'Université Laval». La conclusion était implicite.
    —    Continuer ce que je fais, sans doute. Dans trente ans, je donnerai toujours le cours de droit constitutionnel à des étudiants passionnés par cette matière, j'accepterai les mandats de votre père. Non, dans trente ans ce sera vous, n'est-ce pas, qui me les donnerez?
    Heureusement, un serveur posa leur repas sur la table. Manger empêcherait de formuler de nouvelles remarques plus mesquines encore. Une heure passa en abordant des sujets plus anodins. Puis un à un, les jeunes gens partirent, plaidant l'un un travail à finir, l'autre un cours qui commençait dans les minutes suivantes. Il ne resta à la fin que Michel Bégin. Il déclara sur le ton de la confidence :
    —    Moi aussi, je le trouve souvent particulièrement chiant, le «chef».
    —    Qui ça ? demanda Renaud en levant les sourcils.
    —    Le chef! Nous désignons Henri de cette façon depuis notre admission à l'université. Il a une très haute opinion de lui. Il dit aux autres quoi faire, comme si ce rôle lui revenait de droit divin, sans même se demander si nous avons la moindre envie de recevoir ses directives. Cela doit lui venir d'avoir été élevé pour atteindre les plus grands objectifs du clan Trudel.
    Le professeur posa la question, même si la réponse allait de soi :
    —    Quels sont-ils ?
    —    Le ministre Trudel aurait voulu succéder à Gouin à la tête du Parti libéral, lors de l'élection de 1920. D'après mon père, il n'a pu rallier beaucoup d'appuis. Il a abandonné pour éviter d'être battu et, depuis, il s'affiche comme le fidèle second de Descôteaux. Le bonhomme prépare le chemin pour son fils. Comme vous l'avez dit, Henri attend l'appel de la République.
    —    Avec des chances de succès ?
    —    Il a vingt-quatre ans. Juste dans la ville de Québec, d'après vous combien de personnes de son âge affichent la même ambition? Parmi ceux qui l'appellent le «chef», beaucoup le font par dérision.
    Michel Bégin figurait probablement parmi ceux-là. Le professeur questionna, curieux :
    —    Vous avez beaucoup de ces surnoms, entre vous ?
    —    Bien sûr. Il y a le «sous-chef». Mais depuis la disgrâce de son père, il semble bien bas, notre ami Fitzpatrick.
    —    La disgrâce ?
    —    Je n'ai rien dit. Si vous devez apprendre des détails à ce sujet, ce ne sera pas de moi. Marceau est appelé le «puceau». Jamais devant lui, car il déteste cela. Il peut devenir agressif dans ces moments-là.
    Le jeune homme disait cela en se troublant, comme si un mauvais souvenir lui revenait à l'esprit.
    —    Je le comprends. Vrai ou faux, le sous-entendu n'a rien de flatteur.
    Michel Bégin n'osa pas lui dire que l'autre surnom de Marceau référait plutôt à son homosexualité. Il continua plutôt :
    —    Enfin Lafrance est appelé «Huit Pouces». Cela pour se moquer de sa façon de parler d'une certaine partie de son anatomie. A l'entendre, les femmes se meurent d'envie pour lui. Vous l'avez entendu à La Malbaie ?
    —    Quand il a été question du vote des femmes? Je me souviens. Il a dit là ce que pensent une majorité des hommes. La Constitution américaine reconnaît le suffrage de nos compagnes depuis cinq ans à peine. Le Royaume-Uni n'a pas fait preuve de plus d'empressement. Les Canadiennes peuvent voter lors des élections fédérales et provinciales depuis peu, excepté au Québec,

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