Haute-Ville, Basse-Ville
médecin libéral confirmer ce diagnostic de vive voix ne servirait à rien.
— Est-ce à dire, demanda-t-il encore au chef Ryan, que plus personne ne s'occupe de cette affaire à la police ?
— Pas du tout. Tous les policiers sont au courant de ce dossier et, si quelqu'un a des informations à leur communiquer, ils vont enquêter. Si une personne sait quelque chose, même un tout petit détail, il lui faut venir nous en faire part, plutôt que de s'adresser à des journalistes. Comme cela, on fera l'économie des rumeurs et on ira plus vite vers les coupables.
La fin de la phrase se perdit dans le dos d'Alain Touchette. Non seulement l'avocat en avait fini avec ce témoin, mais il avait terminé sa journée de travail. Un dernier homme fut appelé à la barre, John Grâce. Le commis expliqua ne s'être jamais trouvé au volant d'un camion de livraison de sa vie. Bien plus, il ne savait pas conduire. Il tenait à apporter ces précisions, mais même Laurent Marchais, qui posait les questions, n'écoutait plus les réponses.
À la fin de cette déposition, le juge Montpetit demanda si d'autres personnes possédaient des renseignements susceptibles de faire avancer cette affaire. Personne ne se manifesta. Renaud était heureux d'avoir recommandé à Germaine de ne pas perdre une heure de salaire pour venir témoigner. Cela n'aurait servi à rien. Il fallut deux minutes au juge pour classer ses papiers et clôturer la séance par ces mots :
— Rien de ce que nous avons entendu ici aujourd'hui n'a permis d'obtenir des informations nouvelles susceptibles de faire avancer cette enquête. Nous invitons les personnes à l'origine des rumeurs à faire preuve de plus de discernement, et celles qui les entendent à faire montre de moins de crédulité. Avec la collaboration de tous, les forces policières pourront bientôt mener cette enquête à bon terme. À tout le moins, nous devons l'espérer.
Montpetit se leva sans, plus de cérémonie, l'assistance avec lui, et il quitta la salle. Les journalistes se précipitèrent vers la sortie afin de préparer leurs papiers pour le lendemain. Thomas Lavigerie dit à Renaud d'un air sombre :
— Au Grey Owl à six heures trente ?
Renaud acquiesça. Dans le corridor, il fit la queue à un téléphone public. Il attendit un long moment avant qu'on ne trouve Germaine dans le magasin THIVIERGE. Quand elle répondit, essoufflée d'avoir couru, il lui recommanda de ne plus se faire de souci.
— Pourrons-nous manger ensemble ce soir ? demanda-t-elle.
— Non, malheureusement je dois souper avec Lavigerie. Il souhaite discuter de cette affaire avec moi.
— Je comprends, murmura son interlocutrice avant de raccrocher.
Bien sûr, elle comprenait. L'homme ne semblait toutefois pas bien déçu par ce rendez-vous manqué.
Au même moment, Helen McPhail sonnait à la résidence des Trudel. Elle exprima à la bonne venue ouvrir son désir de parler à Henri. Celle-ci avait constaté l'humeur massacrante du jeune maître depuis plusieurs jours. Plutôt que de lui faire face de nouveau, elle alla plutôt frapper à la porte d'Elise. La jeune femme travaillait à son bureau, dans sa chambre.
— Mademoiselle, dit-elle timidement, mademoiselle McPhail veut parler à votre frère. Je n'ose pas aller le déranger. Il est resté dans sa chambre depuis ce matin...
— Je comprends, répondit Elise en se levant. Je vais m'en occuper. Apportez du thé à mademoiselle McPhail.
Elle alla frapper à la porte d'Henri. Celui-ci ne répondit pas, elle frappa un peu plus fort, ouvrit après avoir entendu un «Oui» impatient. Les rideaux demeuraient tirés. Son frère était étendu tout habillé sur son lit, dans l'obscurité. Elle lui demanda, un peu inquiète :
— Tu es malade ?
La réponse vint après un long silence :
— Pas vraiment. Juste un peu déprimé, sans doute.
— Je ne t'ai jamais vu dans cet état. Il se passe sûrement quelque chose. Tu ne veux pas m'en parler? Je suis certaine de pouvoir t'aider.
— Seulement un peu de spleen. Cela va passer.
Le garçon faisait un effort pour paraître un peu plus dynamique, mais cela sonnait tout à fait faux.
— Helen McPhail est en bas. Elle veut te parler.
— Ah non! Je ne veux pas voir son air joyeux et ses bouclettes. Dis-lui d'aller au diable.
— Je ne lui dirai certainement pas cela.
Pourtant, cela ne lui aurait pas vraiment
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