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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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la conversation le déconcertait un peu. Lavigerie continua en lui tendant l'une de ses cartes professionnelles. Quelques mots étaient griffonnés au verso.
    —    Voici le nom d'un infirmier de Saint-Michel-Archange. Je l'ai défendu dans une histoire de brutalité avec un patient. Il vous attendra demain à onze heures, à l'entrée principale de l'hôpital. Vous vous présenterez sous le nom de Jacques Saint-Pierre. C'est le nom du beau-frère de Gagnon. Posez vos questions. Juste pour voir.
    Il fit une longue pause avant de demander :
    —    Vous irez ?
    Renaud se sentait embrigadé à son corps défendant dans une histoire absurde. Lavigerie le regardait avec une certaine anxiété. Il se dit: «Après tout, cela ne peut me faire de mal. » Il soupira finalement
    —    J'irai.
    Pour s'épargner une averse de «mercis», il continua d'un ton plus enjoué :
    —    Il y a une chose qui m'intrigue. Y a-t-il un Club des vampires à Québec ?
    —    Bien sûr, fit Lavigerie en riant. Il est même dans le bottin. Un groupe d'étudiants qui jouent des pièces de théâtre effrayantes et qui organisent des bals masqués où les gens vont déguisés en Dracula, Frankenstein, etc. Cette vogue tient aux films d'épouvante, bien sûr. Raoul est vraiment bizarre. Il y a des étudiants drogués, ivrognes. Certains sont connus de toutes les putains de la ville. Il a choisi des jeunes gens entichés des bals masqués pour figurer ses gros méchants !
    Le repas se termina sur ce ton plus léger.

Chapitre 15
    Beauport était connu dans toute la province pour son hôpital psychiatrique. A onze heures tout juste, tout en se trouvant stupide d'être venu là, Renaud Daigle entrait dans le hall de l'asile Saint-Michel-Archange. Une curiosité malsaine pour le grand hôpital l'animait. Immense, il formait une petite ville de pierre grise à lui seul. S'y trouvaient des fous furieux, des déprimés, des vieillards séniles et aussi toutes les personnes ayant du mal à se plier aux codes de comportements étriqués de la communauté ambiante. Il ne fallait pas beaucoup s'écarter de la norme pour être accusé d'excentricité, et il suffisait d'être un peu anticonformiste pour être taxé de fou.
    Le plus intriguant, c'était les rumeurs persistantes d'après lesquelles, avec l'aide d'un médecin complaisant, on pouvait facilement y faire enfermer un parent encombrant. L'oncle à héritage entrait à l'asile en relative bonne santé, après l'intervention d'un magistrat, et ses biens se trouvaient confiés à ses neveux et nièces adorés. Renaud préférait ne donner aucun crédit à ces rumeurs. Tous les médecins ne partageaient-ils pas la même scrupuleuse conscience professionnelle ?
    L'avocat ne se sentait pourtant pas tout à fait rassuré dans ce grand hall. Un infirmier vint vers lui en demandant:
    — Monsieur Saint-Pierre ?
    Renaud eut un moment d'hésitation avant de répondre positivement. L'employé était un gros homme aux cheveux coupés si court qu'il semblait complètement chauve. Son uniforme blanc contenait mal sa masse de graisse et de muscles. Renaud lui tendit la carte professionnelle reçue de
    Lavigerie la veille. L'autre la glissa dans sa poche rapidement et dit :
    — Suivez-moi. Votre beau-frère vous attend.
    En marchant derrière le gros homme, Renaud observa les autres infirmiers. Tous présentaient un semblable gabarit plutôt imposant. A l'embauche, la force physique devait l'emporter sur la compétence médicale ou l'empathie envers les pensionnaires. Ils ressemblaient à des gardes du corps. Quant aux malades, Renaud n'avait aucun mal à les reconnaître. Ils portaient des uniformes en tissu gris affreusement mal taillés, offraient aux regards un crâne rasé, sans doute pour éviter les épidémies de poux. Cependant, le travail avait été fait avec une telle hâte, ou une telle cruauté... Des touffes de cheveux plus longues se dressaient sur la tête de chacun. «On a fait exprès pour que leur apparence physique leur donne l'allure de fous», pensa-t-il. Si l'on ajoutait à cela leurs visages un peu décomposés, les paroles inintelligibles marmonnées, les gestes désordonnés, tous ces patients apparaissaient au mieux comme grotesques, au pire comme dangereux.
    Il ne rencontra que des hommes. Les femmes se trouvaient dans une autre aile de l'édifice, avec un personnel essentiellement féminin. Renaud croisa toutefois des religieuses. Elles n'avaient pas l'air modeste et

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