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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ils vous mettront à la porte.
    —    Vous le pensez bien, j'ai essayé... auprès de l'un d'eux. Il m'a dit que j'inventais. Vous vous rendez compte? En sept ou huit ans, j'ai dû me retrouver dans ses bras des centaines de fois. Mais il est resté là, devant moi, me regardant dans les yeux, me disant que j'inventais tout cela. Il a même ajouté: «Cela ne me surprend pas, tu as toujours été d'un équilibre fragile. »
    Le garçon s'énervait. Il revivait ce moment, vieux de quelques semaines à peine. Depuis l'été dernier, il avait décidé de régler quelques comptes avec la vie.
    —    Que pensiez-vous qu'il allait faire ? Dire : « Oui c'est vrai. Je vous ai fait du tort. Je vous demande pardon»?
    Renaud vit les yeux de Marceau se fixer sur les siens :
    —    J'attendais exactement cela, fit-il d'une voix blanche.
    —    Dans ce cas, il aurait fallu que ce prêtre ait des remords. Ces attentats se sont produits des centaines de fois sur une longue période, dites-vous. C'est donc un criminel d'habitude. Il doit avoir trouvé des dizaines de façons de se justifier. Il doit se dire qu'au fond ce n'est pas si grave, que vous aimiez cela autant que lui, que c'est vous qui avez commencé. Que vous l'avez séduit, en fait.
    —    Comment savez-vous ? Il m'a dit toutes ces choses.
    Marceau le regardait avec une certaine frayeur, maintenant.
    —    Vous le croyez aussi? demanda encore l'étudiant.
    —    Un homme ne peut répéter sans cesse la même mauvaise action sans se justifier. Vous ne parlez pas d'un imbécile, mais de quelqu'un dont le métier est d'apprendre aux autres la distinction entre le bien et le mal. Je ne devine même pas: il y a tout de même eu des poursuites contre des abuseurs d'enfant. Mes mots se trouvent dans leurs témoignages.
    Marceau revint à son autre question :
    —    Vous croyez que j'ai recherché ce qui m'est arrivé ? Que je l'ai séduit? Je n'ai pas toujours détesté cela.
    Il avait eu envie d'ajouter: «J'ai été follement amoureux de lui.» Il s'abstint, Daigle n'était pas tolérant au point de vouloir entendre cela.
    —    Quel était son rôle auprès de vous? Quel âge aviez-vous, au début?
    —    C'était mon directeur de conscience. J'avais douze
    ans.
    Marceau avait répondu d'une voix timide, comme à confesse.
    —    Les merveilleux directeurs de conscience de nos collèges, qui s'immiscent dans l'intimité des adolescents. Vous imaginez avoir été à l'origine d'un abus sexuel, à douze ans ? Ce directeur de conscience en avait probablement plus de trente. Vous ne deviez même pas savoir ce qui se passait.
    —    J'avais conscience de préférer les hommes, déjà à cet âge.
    —    A cet âge, j'étais amoureux d'une voisine âgée de trente ans. Si elle m'avait violé, je ne me sentirais aucune responsabilité.
    Evidemment, l'idée n'avait même pas effleuré l'esprit de cette respectable dame. Renaud enchaîna après une pause :
    —    Que voulez-vous que je fasse ?
    —    Présenter ma demande pour moi. Cela l'impressionnerait, le ferait réfléchir. Il accepterait peut-être.
    La situation était sans doute encore plus tortueuse que Marceau ne se la représentait. Ce garçon cherchait à mettre un point final à une grande histoire d'amour, tout abusive qu'elle ait été. Cela sentait le mélodrame à plein nez. Que les protagonistes soient du même sexe, que l'un des deux porte la soutane, venait seulement rendre l'affaire encore plus alambiquée.
    —    Je ne vais pas me mêler de cela. Ce serait un suicide professionnel. Le messager, dans une histoire pareille, sera l'objet de l'hostilité de l'Eglise toute sa vie. Juste le fait de vous avoir écouté aussi longtemps serait considéré comme un crime par nos seigneurs les évêques. Selon eux, j'aurais dû vous chasser plutôt que d'écouter des paroles aussi scandaleuses.
    Son visiteur ne répondit rien. Il ne fit pas mine de partir non plus. Renaud dut prendre l'initiative de mettre fin à l'entretien. Il se leva en cherchant une façon de ne pas être trop brutal.
    —    Je peux vous suggérer des noms d'avocats. Mais je n'irai pas plus loin.
    L'étudiant comprit enfin que sa visite était terminée. Il se laissa reconduire, la tête basse, jusqu'à la porte. Son professeur dit encore :
    —    Réfléchissez bien cependant. Rien ne se fait en tête-à-tête à Québec, surtout pas quand il s'agit de l'Eglise. Vous ne pouvez

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