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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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reconnaissent. Trop lucide pour magnifier ce genre de mirage né, dans la vacuité de l’imagination, de la conjonction soudaine du désir et de l’abstinence, Blaise acheva son mouvement tournant et vint botte à botte avec le colonel Ribeyre. Ce dernier avait suivi la manœuvre du capitaine et les mimiques échangées.
     
    – Eh, eh ! mon cher, vous ne perdez pas de temps. Un peu frêle, mais charmante. Est-ce une parente ?
     
    – C’est ma logeuse, M me  Métaz. Et je vous remercie de m’avoir logé dans cette maison qui…
     
    – Remerciez-moi d’autant plus que j’ai envoyé le mari à Genève, avec ses bateaux, chercher des subsistances ! souffla en riant le chef d’état-major.
     
    Les deux hommes durent s’interrompre, la revue ayant commencé et le général Boudet s’étant approché pour faire part de son inquiétude à son chef d’état-major. Le Premier consul avait, en effet, mis pied à terre et s’était engagé entre les lignes, sachant bien qu’il ne fallait pas se fier à la bonne tenue des premiers rangs. Il parcourut ainsi, mains au dos, plusieurs rangées de la 9 e  demi-brigade légère et des 30 e et 59 e  demi-brigades d’infanterie de bataille, interrogeant les soldats, détaillant leur tenue, se faisant montrer armes et chaussures.
     
    – Nos hommes ont touché des chaussures neuves, dit un aide de camp, pour rassurer son chef.
     
    – Trop neuves ! Elles leur mettent les pieds en sang et certains les ont déjà vendues à des paysans, commenta un autre.
     
    – Alors, il faudra vraiment fusiller Ricard, lança en souriant Fontsalte, à l’adresse du colonel.
     
    Ribeyre se tourna vers le capitaine et dit mezza voce :
     
    – Je crains que cette inspection détaillée ne mette le Premier consul de mauvaise humeur. Et cela d’autant plus aigrement qu’il a appris, en arrivant ici, que Carnot, le ministre de la Guerre, qui vient de Bâle et a vu Moreau il y a trois jours, sera ce soir à Lausanne pour le rencontrer. Cela promet !
     
    – Et voilà le ciel qui se met à l’unisson ! L’orage s’annonce ! soupira un aide de camp qui avait entendu la réflexion du colonel, alors que tombaient les premières gouttes de pluie.
     
    L’averse ne fit pas accélérer le cérémonial de la revue. S’étant remis en selle, Bonaparte invita son aide de camp à commander les exercices de la charge et du feu, qui animèrent un moment l’esplanade, pour le plus grand plaisir des citoyens de Vevey. Ces manœuvres terminées, les troupes se mirent en ordre pour le défilé. Au son des musiques militaires, les demi-brigades, par peloton, passèrent devant le Premier consul et les officiers généraux avant de disparaître par le sud de la place.
     
    Quand les officiers furent appelés à l’ordre, Fontsalte se joignit à eux. Le général Bonaparte n’était ni moins jaune ni plus aimable que d’ordinaire. Il se dit « satisfait de la bonne tenue de la 9 e  demi-brigade légère, mais peu des deux autres », puis il justifia, une fois de plus, pour les officiers, la reprise des hostilités contre l’Autriche que certains refusaient, à Paris, de considérer comme inéluctable : « J’ai offert la paix à l’empereur, il ne l’a pas voulue ; il ne nous reste plus qu’à le prendre à la gorge. »
     
    La séance étant levée, le Premier consul, pour répondre à une invitation des autorités, parcourut sans perdre de temps une allée d’arbres de haute futaie conduisant à la belle maison de M. Denezy, rue du Bourg-aux-Favre. Tandis qu’on servait les rafraîchissements, Bonaparte se fit communiquer la position des différents corps d’armée en marche vers le « fond du lac ».
     
    Les officiers généraux qui l’entouraient comprirent que son choix était maintenant définitivement arrêté. Le général Armand-Samuel Marescot, inspecteur général du génie, chargé de la reconnaissance des Alpes, avec qui le Premier consul s’était longuement entretenu la veille à Lausanne, s’était prononcé, après avoir comparé tous les passages possibles, pour le col du Grand-Saint-Bernard. L’officier n’avait pas caché que l’opération serait difficile. « Difficile, soit, mais est-elle possible ? » avait demandé Bonaparte. « Je le crois, mais avec des efforts extraordinaires », s’était empressé de prévenir le général. « Eh bien, partons ! » : telle avait été la réponse du Premier consul.
     
    Ainsi, la

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