Herge fils de Tintin
« Journal Tintin », note manuscrite de 1952.
7 Lettre d’Hergé à José De Launoit et Alice Devos, 15 mars 1952.
8 Lettre de Norbert Wallez à Germaine Kieckens et Hergé, 30 août
1952.
9 Thierry Smolderen et Pierre Sterckx, Hergé, portrait biographique ,
Casterman, coll. « Bibliothèque de Moulinsart », 1988, p. 247-253.
10 Lettre de Jacques Van Melkebeke à Hergé, 31 août 1950.
11 Lettre de Jacques Van Melkebeke à Hergé, 13 avril 1951.
12 Jacques Alexander, Les Énigmes de la survivance , Verviers,
Marabout, collection « Univers secrets », 1972, p. 71.
13 Jacques Van Melkebeke, Sans blague, manuscrit autobiographique inédit, Bruxelles, 1976 . Je remercie Benoît Mouchart de
m’avoir communiqué ce passage.
14 Témoignage de Bernard Heuvelmans à l’auteur, 1988.
15 D’autres portraits du couple par Van Melkebeke disparurent du
grenier de Céroux, avant de réapparaître dans une galerie du Sablon, à
Bruxelles. C’est alors que Germaine les racheta et en offrit un,
anonymement, au Centre belge de la bande dessinée…
16 Témoignage de Germaine Kieckens à l’auteur, 1988.
17 Sur cette loi et ses conséquences, je renvoie au volume coordonné
par Thierry Crépin et Thierry Groensteen, On tue à chaque page ,
Éditions du Temps-Musée de la bande dessinée, 1999.
18 Ce document est reproduit dans l’ouvrage de Claude Le Gallo, Le
Monde d’Edgar P. Jacobs , Éditions du Lombard, collection « Nos
auteurs », 1984. Le livre de Gérard Lenne, L’Affaire Jacobs (Paris,
Megawave, 1990), propose une analyse fouillée des relations entre
« Hergé et lui ».
Chapitre 6
L E PATRON
(1953-1959)
1
Les années médianes
Finie la confusion des genres. À quarante-cinq ans, le
dessinateur se change en petit patron, séparant comme
jamais il ne l’avait fait le travail et la vie privée. C’est à
cause de l’accident de Germaine que le couple quitte en
1953 l’agréable maison de l’avenue Delleur pour un petit
appartement assez triste, mais dans un immeuble pourvu
d’un ascenseur, rue de Livourne, en face de chez Marcel
Dehaye et à deux pas du 194, avenue Louise où Hergé
vient d’installer ses Studios.
À l’évidence, une nouvelle période vient de s’ouvrir.
Désormais, il a « du personnel à jours fixes et à heures
fixes 1 », une entreprise, des responsabilités, un appartement pour la semaine et une maison de campagne pour
des week-ends qu’il prolonge jusqu’au lundi. Il a surtout
deux vies, deux emplois du temps séparés de manière
assez étanche, comme si Tintin ne pouvait continuer à le
dévorer tout entier, du matin au soir, sept jours sur sept.
Mais ce qui, à ses yeux, devait notamment sauver son
couple achèvera de le détruire. « Évidemment, ça achangé… tout », expliquait Germaine, avec un sourire
triste, en parlant de ce déménagement. Très proche
jusqu’alors de l’œuvre et de ceux qui y collaboraient,
« Hergée », comme on l’appelait parfois, s’en trouve brusquement éloignée.
Sans l’officialisation des Studios, Hergé aurait probablement tout arrêté. Mais il déteste prendre des décisions
radicales et plus encore renvoyer des collaborateurs.
Quand Guy Dessicy cesse de travailler à ses côtés, ce n’est
pas seulement parce qu’il ne se sent pas l’étoffe d’un grand
dessinateur, c’est aussi parce qu’il a l’impression que
l’entreprise ne va pas durer longtemps et qu’il lui serait
impossible d’y faire carrière 2 . L’interruption d’ On a
marché sur la Lune a été si longue que la situation est
devenue intenable ; la patience de Raymond Leblanc et
même celle de Casterman ont été poussées à leurs limites.
Avec Leblanc, c’est une nouvelle période qui s’ouvre.
Les relations entre les deux hommes sont passées par suffisamment d’épreuves pour que ce mariage de raison
puisse tenir. Le dessin que Hergé offre à son éditeur en
septembre 1953, pour le septième anniversaire du
journal, est tout à fait révélateur. Dans une barque
dénommée Tintin , plus que secouée par les vagues, Haddock tente de rassurer les Dupondt : « Ne vous en faites
pas, moussaillons ! Aucun danger ! C’est Leblanc qui est à
la barre ! » Certes, les aspirations d’Hergé et de Raymond
Leblanc ne pourront jamais coïncider. Les angoisses
continuelles de l’auteur des Aventures de Tintin échappent
absolument au patron des
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