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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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sous une forme attrayante de
sujets d’allure encore plus austère. On peut ainsi lire L’Oreille cassée comme une fable monétaire : la description figurée d’une économie en pleine crise, sujette au
mécanisme de l’inflation. En l’absence de l’équivalent
général (le fétiche contenant le diamant), le système de
valeurs se trouve gravement déréglé : une statuette peut
valoir 200 francs (« c’est pour rien », s’exclame Tintin) et
quelques instants plus tard « 17,50 frs la paire ». Tout est
sens dessus dessous. Avec L’Île noire , qui débute dans Le
Petit Vingtième le 15 avril 1937, Hergé développe, de
manière cette fois explicite, un thème directement financier. Ce n’est pourtant qu’assez tard dans l’élaboration de
l’intrigue qu’Hergé a eu l’idée de « faire dévier l’histoire
vers une bande internationale de faux-monnayeurs 4  ! ».
Une fois de plus, le problème était d’actualité. Depuis la
fin de la Première Guerre mondiale, l’impression et la distribution de fausse monnaie avaient connu un développement considérable, grâce aux progrès des moyens de communication et particulièrement de l’aviation.
    En mars 1937, Hergé a fait un court voyage à Londres
et sur la côte sud de l’Angleterre : toute la matière documentaire du récit en est issue. Il ne s’est pas aventuré
jusqu’en Écosse, mais Les Trente-Neuf Marches d’Hitchcock l’ont indéniablement impressionné. Il va tenter d’en
retrouver l’atmosphère. Quant au gorille Ranko, c’est sans
doute le résultat d’une double influence : celle du film King Kong de Cooper et Schoedsack qui a connu un
succès retentissant en 1933 et celle, plus spécifiquement
anglaise, des bruits récurrents sur le monstre du loch
Ness, bruits auxquels Tintin fait d’ailleurs une allusion
ironique dans le cours de l’album. Pour le reste, L’Île noire est une aventure pleine de rebondissements. Les Dupondt
y prennent toute leur dimension, cependant qu’apparaît
une nouvelle figure de mauvais : le redoutable docteur
Müller. Comme l’expliquait Hergé : « Müller est un Rastapopoulos qui paierait davantage de sa personne. Müller
est énergique, alors que l’autre est mou, adipeux 5 . »
     
    Davantage que le Front populaire, la guerre d’Espagne
ou l’arrogance grandissante de Hitler, ce qui marque ces
années pour Hergé, c’est un travail presque continuel.
Depuis qu’il dessine chez lui, ses horaires n’ont cessé de
déborder. Comme l’expliquait Germaine, « il travaillait
toujours, même les week-ends. On travaillait le soir, on
travaillait le samedi et le dimanche, on travaillait à Noël,
à la nouvelle année, à Pâques. Que voulez-vous ? Il faisait Tintin , il faisait Quick et Flupke , il faisait Jo et Zette , il dessinait pour la publicité. Il n’avait pas beaucoup de
répit 6  ».
    La plupart des amis qu’il fréquente sont liés à son travail. Paul Jamin vient de temps en temps lui rendre visiteet bavarder de manière informelle autour d’une tasse de
café : il intervient surtout comme gagman , suggérant des
idées pour Quick et Flupke ou insistant pour que Hergé
fasse réintervenir les Dupondt 7 . D’autres fois, c’est Philippe Gérard qui vient discuter à bâtons rompus. Ce ne
sont pas de véritables coscénaristes, mais simplement des
interlocuteurs agréables, prêts à lui renvoyer la balle. La
première complice et principale collaboratrice est en réalité Germaine, qui a un solide sens de l’humour et une
excellente connaissance du parler bruxellois. Quand c’est
nécessaire, elle n’hésite pas à mettre la main à la pâte,
aidant son mari à tracer les lignes de bord de cases, à faire
des retouches ou à mettre les noirs.
    Les vacances d’Hergé et de sa femme sont toujours très
courtes. Dès qu’ils le peuvent, ils partent au Coq-sur-Mer,
à l’Hôtel Joli-Bois, où ils rencontrent parfois Mr et Mrs
Smith, des touristes anglais avec lesquels ils passent des soirées bien arrosées. Quant aux sorties, elles se font des plus
rares : « Il n’aimait pas aller au théâtre, il n’aimait pas aller
au cinéma, parce qu’il trouvait qu’il faisait ça lui-même. » À
cette époque-là, Hergé n’est pas non plus un grand
lecteur. Pour se détendre, il préfère les promenades dans la
nature. Mais la plupart du temps, lorsqu’il ne travaille pas,
il cherche seulement à se reposer. Une chose revenait souvent dans

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