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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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les souvenirs de Germaine : les soucis de santé.
« Ce n’est pas qu’il était vraiment malade, mais il a toujours
souffert du foie, et ça le rendait très fatigué. »
    Il arrive que Hergé revoie un petit groupe d’artistes et
de littérateurs, qu’il a connus par l’intermédiaire d’Evany,
son ancien assistant du Petit Vingtième  : ce sont ceux de
« Capelle-aux-Champs », un nom qu’ils ont emprunté à
la cité-jardin de Kapelleveld où habitent deux d’entre eux.Autour du père Bonaventure Fieullien, un jeune franciscain assez extravagant, remarquable graveur sur bois, se
retrouvent Evany, Jean Libert dont Hergé a accueilli les premiers poèmes dans Le Petit Vingtième , Marcel Dehaye,
poète lui aussi et secrétaire de Norge, Franz Weyergans (le
père de François), et un tout jeune garçon, Guy Dessicy. Ils
sont liés par une commune fréquentation du scoutisme et
des milieux catholiques, un même idéal artistique, une
volonté de remplacer une religion trop rigide par une spiritualité plutôt mystique, un peu « New Age » avant l’heure.
Hergé fréquente la bande de manière irrégulière : il
apprécie les longues promenades, et la compagnie de plusieurs membres du groupe. Mais il est là surtout « en spectateur et en ami, moins impliqué que les autres 8  », gêné par
le manque d’humour et une exaltation qui frise le ridicule.
    Dans un texte tardif, Jean Libert évoqua parfaitement
l’attitude d’Hergé à cette époque :
Georges nous trouvait naïfs et innocents. Il était moins utopiste
que nous, plus rationaliste et plus sage. Il était également d’une
origine sociale plus bourgeoise que la plupart d’entre nous. Progressivement, il s’est détaché, car il était de plus en plus volontariste et de moins en moins fataliste. Notre ferveur chrétienne,
qu’il qualifiait parfois de mysticisme sauvage, lui faisait peur.
Elle heurtait sa raison, comme nos débordements de poètes
lyriques le choquaient parfois. Par nature, il était de plus en
plus zen. Lui, il était pour une vie sobre et discrète, à la limite
de l’impassibilité. En ce sens, il ne pouvait que considérer
comme une folie l’abandon de certains à la Providence divine 9 .
    Marcel Dehaye mis à part, Hergé va s’éloigner peu à peu
de la bande de Capelle-aux-Champs. Mais il n’a pas d’amis
plus proches : Tchang est reparti en Chine, l’abbé Wallez se
morfond à Aulne, De Launoit s’est éloigné lui aussi. Reste
bien sûr Germaine, mais si leur entente demeure forte,
leurs tempéraments sont très différents. Germaine est une
femme d’intérieur, aux préoccupations concrètes. Hergé
n’a guère la possibilité de partager avec elle ses doutes,
d’évoquer ses moments d’angoisse et ce besoin de progresser qui l’assaille de plus en plus. Faute de vrais contacts,
une certaine tristesse pointe quelquefois. On ne la devine
qu’en de rares occasions, mais elle est manifeste, par
exemple, dans cette lettre adressée au père Neut :
Je ne pourrais assez vous dire combien votre visite nous a fait
du bien.
    Il est difficile pour un ménage seul, sans enfants et très isolé,
de vivre replié sur lui-même tout en gardant l’équilibre.
    Et votre visite nous a fait, tout ensemble, l’effet d’un vigoureux coup de barre et d’une grande bouffée d’air frais.
    […] Vous ne pouvez savoir combien votre affectueuse sollicitude nous touche, ma femme et moi.
    C’est si bon, parfois, de sentir que quelqu’un s’intéresse réellement et profondément à vous.
    Et si rare 10 …
    Mais la plupart du temps, Hergé évite de se laisser aller
à la mélancolie, car les sujets de satisfaction ne manquent
pas. À trente ans à peine, il a réussi à transformer sa passion en un véritable métier. Ses histoires sont de plus en
plus appréciées et lui valent, outre des lettres chaleureuses
de lecteurs, une forme d’aisance financière à laquelle il
n’est pas indifférent. Ce n’est certes pas la fortune, mais
entre le salaire du Vingtième Siècle , les droits d’auteur desalbums et les travaux de commande, ses revenus ont fortement augmenté. En 1938, il peut s’acheter sa première
voiture : une assez coûteuse Opel Olympia dont il est si
fier qu’il compte la dessiner dans la prochaine aventure de
Tintin 11 . Il aimerait aussi habiter une maison plus confortable, dans un quartier un peu plus vert.
    Hergé ne manque pas d’ambition. Dès ces années-là, il
consacre beaucoup

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