Hiéroglyphes
souterrain.
Instantanément,
l’eau entama sa montée, recouvrant les bottes des
Templiers gravés dans la pierre. « Désolé,
Montbard ou qui que tu sois ! » J’amenai le
cercueil d’acacia sur le rebord du sarcophage et le retournai.
Les os tombèrent dans un méli-mélo sacrilège,
le crâne me regardant avec une réprobation évidente.
J’étais déjà plus ou moins maudit, non ?
Alors quelle importance ? Je fis basculer le cercueil sur le
sol, glissai le cylindre d’or sous ma chemise et m’installai
comme dans une baignoire. Le niveau de l’eau s’élevait
très vite, à raison d’un mètre toutes les
trois ou quatre minutes. Elle dépassa rapidement les genoux
des Templiers, remplit le sarcophage et mit à flot mon esquif
improvisé. Je priai tous les dieux que je connaissais, tant
chrétiens que juifs ou égyptiens. Et vogue la galère !
À
mesure que l’eau montait, je savais que sa pression croissante
risquait de repousser le couvercle du sarcophage que j’avais
coincé tant bien que mal, en barrage contre le courant.
Tiendrait-il jusqu’au bout ? « Qui vit d’espoir
mourra de faim. » Ce dicton-là, je ne l’aimais
pas. Je continuai à prier pour que mon dispositif restât
ferme. Puis il me vint à l’esprit que l’eau qui
inondait le sous-sol remonterait probablement par la spirale jusqu’au
local où devaient se morfondre Ned et Mohammed.
Pourvu
qu’ils aient appris à nager. Le marin, sans doute, mais
mon guide arabe ?
L’eau
montait toujours. Les étoiles s’y reflétaient. Je
trouvai une côte ou deux oubliées au fond du cercueil et
les jetai par-dessus bord. Le sort de mes os, après ma mort,
ne m’inspirait qu’une souveraine indifférence.
C’était long, très long, mais j’aperçus
enfin le clair de lune et découvris, simultanément,
l’amorce d’un escalier aboutissant au sommet du puits. Je
me redressai dans mon embarcation instable et pris pied sur la
première marche, fier et heureux de ma trouvaille.
Puis
il y eut un fracas, dans les profondeurs, et le cercueil repartit en
tourbillonnant vers le bas. Mon bouchon improvisé avait fini
par céder. Pas le temps de me réjouir ni d’observer
les événements. Je grimpai les marches en vitesse. Et
débouchai dans le premier temple que nous avions exploré.
Heureux de n’avoir pas remis en place les planches qu’on
avait déblayées. Sinon, je n’aurais bénéficié,
au fond de mon puits, d’aucune lumière. Je ne fis qu’un
bond jusqu’à la base du pilier où nous avions
opéré notre descente. Je me mis à crier :
« Ned !
Mohammed ! Vous êtes là ? Vous êtes
vivants ?
— Par
la peau de mes fesses, cap’taine, ce trou de malheur s’est
rempli d’eau, et on a failli se noyer. Et puis l’eau est
redescendue.
— Comment
es-tu ressorti, effendi ? Qu’est-ce qui se passe ?
— Rien.
Je voulais simplement vous faire prendre un bain.
— Mais
comment es-tu sorti ?
— En
bateau. »
Je
distinguais leurs faces blafardes dans le fond du trou.
« Attendez,
j’ai une idée pour vous rapatrier sur le plancher des
vaches. Plantez-vous gentiment sur la plate-forme qui nous a
descendus tous les trois. »
J’inversai
le dispositif, il y eut ce même déclic et, bientôt,
mes deux compagnons apparurent, fous de joie.
On
replaça tout le matériel de manière à ne
pas tenter d’autres visiteurs, et Ned me serra sur son cœur
comme si j’étais sa mère.
« Par
Davy Jones, t’es un vrai sorcier, cap’taine ! Jamais
à court d’inspiration. Et tu as trouvé le
trésor ?
— Pas
exactement. »
Les
deux visages s’assombrirent alors que j’enchaînais :
« Croyez-moi,
j’ai cherché partout. Juste une tombe de Templier…
et ça ! »
Comme
un magicien, j’exhibai l’étui. Leurs yeux
s’écarquillèrent.
« Soupesez-moi
ce truc. Il y a assez d’or là-dedans pour faire de nous
de vrais nababs.
— Mais,
effendi, et le livre ? L’as-tu vu ? Est-il plein de
secrets magiques ?
— Il
est là-dedans, ou du moins une partie, mais écrit dans
une langue que je ne connais pas. On rendra au monde un fier service
en l’empêchant de tomber entre les mains de Silano.
Peut-être quelque savant saura-t-il déchiffrer le
grimoire.
— Mais
il est là ?
— Finalement,
oui, après les douze travaux d’Hercule. Et je n’en
comprends pas une syllabe. »
Ils
me regardaient, atterrés.
« Allons
chercher Astiza. »
20
S ortir
de la
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