Hiéroglyphes

Poignardé.
Qui sait ? J’ai blessé leur chef, en France, et le
revoilà, en pleine forme ! On dirait que j’ai du
mal à terminer ma besogne. »
    Je
pensais à Silano et à Ahmed ben Sadr, en Égypte,
qui n’avaient pas cessé de me persécuter, malgré
des blessures renouvelées. Je n’avais pas seulement
besoin de ce fusil. J’avais besoin de m’entraîner
au tir.
    « Je
vais envoyer un message à Sir Sidney, décida Jéricho.
Il se peut que les agents français stationnés ici
soient assez importants pour que les Anglais veuillent nous venir en
aide. Et Miriam dit que tout ça aurait également
quelque chose à voir avec ce trésor que vous nous
promettez. Qu’en est-il exactement ? »
    Il
était plus que temps d’aller jusqu’au bout de mes
confidences.
    « Quelque
chose est probablement enterré quelque part dans cette ville
qui pourrait affecter le cours de cette guerre. On l’a cherché
en Égypte, et on a découvert à la fin que le
secret se trouvait plutôt en Israël. Mais chaque fois que
je découvre un escalier ou une échelle menant sous
terre, je me heurte à un cul-de-sac. La cité est un tas
de décombres. Il se peut que ma quête soit sans espoir.
Et, maintenant, les Français sont là, certainement avec
les mêmes ambitions.
    —  Ils
m’ont interrogée à votre sujet, rappela Miriam.
    —  Viennent-ils
de découvrir ma présence sur place ou bien l’ont-ils
apprise de l’extérieur ? Dites-moi, Jéricho,
les gens qui se sont renseignés sur le sort d’Astiza en
Égypte ont-ils pu révéler mon existence ?
    —  Ils
n’étaient pas censés le faire. Mais dites-moi
vous-même… quel est ce trésor dont vous nous
rebattez les oreilles ? »
    Je
respirai un bon coup avant d’avouer :
    « Le
Livre de Thot.
    —  Un
livre ! »
    Sa
déception était immense.
    « Vous
l’avez toujours qualifié de trésor ! J’ai
passé l’hiver à fabriquer un fusil pour un
livre !
    —  Les
livres ont des pouvoirs, Jéricho. Pensez à la Bible ou
au Coran. Et ce livre-là ne ressemble à aucun autre.
C’est un livre de sagesse, de pouvoir et de… magie.
    —  Magie ? »
    Il
n’avait pu cacher son scepticisme.
    J’enchaînai :
    « Vous
n’êtes pas obligé de me croire. Tout ce que je
peux en dire, c’est qu’on m’a tiré dessus,
jeté des serpents dans mon lit, pourchassé à dos
de chameau et en mer afin de parvenir à ce livre… ou
plus exactement au médaillon qui peut y conduire. Ce médaillon
est un indice, une clef qui permet d’entrer dans la Grande
Pyramide par une porte secrète. Astiza et moi y sommes entrés.
Nous avons découvert un lac souterrain rempli de trésors,
un pavillon de marbre et le pupitre en or sur lequel avait reposé
le livre.
    —  Mais
pas le trésor lui-même ?
    —  Non.
La seule façon d’évacuer la pyramide était
de nager dans un tunnel souterrain. Le poids de l’or et des
pierres précieuses m’aurait voué à la
noyade. J’ai tout reperdu. Il se peut que les juifs aient caché
un autre trésor ici même, à Jérusalem. »
    Son
regard exprimait un scepticisme aussi grand que celui de Mme Durrell,
à Paris, quand je me révélais incapable de lui
payer mon loyer.
    « Et
le livre ?
    —  Le
pupitre était vide. Il ne restait, juste à côté,
qu’une crosse de berger. Astiza m’a convaincu que cette
crosse avait été laissée là par l’homme
qui avait volé le livre, et que cet homme ne pouvait être
que… »
    J’hésitais,
sachant quel effet produirait ma déclaration.
    « Ne
pouvait être que ?
    —  Moïse. »
    Il
ne réagit pas tout de suite. Puis éclata d’un
grand rire plein de mépris.
    « Seigneur
Dieu, j’ai hébergé un dément ! Sir
Sidney Smith sait-il que tu es complètement fou ?
    —  Je
ne lui ai pas raconté tout ça, et je ne vous l’aurais
pas raconté non plus, à tous les deux, sans la
réapparition de ce maudit Français, complice de mon
pire ennemi, le comte Silano. Ce qui signifie que nous n’avons
pas de temps à perdre. Nous devons retrouver ce livre avant
lui.
    —  Un
livre volé par Moïse !
    —  Est-ce
tellement extraordinaire ? Un prince égyptien tue un
garde dans un accès de rage, s’enfuit hors du pays, puis
revient après conversations répétées avec
un buisson ardent pour libérer les esclaves hébreux.
Jusque-là, vous y croyez, d’accord ? Et voilà
que, tout à coup, Moïse possède le pouvoir de
déclencher les plaies d’Égypte, de