Hiéroglyphes
et l’exhibition en forme de défi de
leurs têtes piquées sur des fers de lance.
Réaction
audacieuse, pour un fier musulman cerné, à trois contre
un, par l’armée française, et qui avait réagi,
illico, comme un lion acculé.
À
partir de là, ce serait sans merci. Très vite,
commencèrent les bombardements, la destruction progressive par
les boulets de canon des murailles de la ville, dans d’énormes
jaillissements de poussière et de débris volants. À
chaque nouvel impact, montaient les acclamations des troupes. Jusqu’à
ce que s’installe une certaine monotonie au bout de quelques
heures de martèlement continu. Certains des canons tiraient de
l’est et du nord. Et du sud, par-dessus le ravin boisé
qui fournirait aux futures troupes d’assaut un couvert
efficace, les canons tonnaient, de trois minutes en trois minutes au
maximum, taillant peu à peu une brèche dans l’enceinte
fortifiée. L’artillerie ottomane répliquait de
son mieux, mais avec une compétence et une précision
plus que réduites.
Najac
prit le temps de regarder se noyer ses reptiles, puis m’enchaîna
au tronc d’un oranger en observant la bataille et méditant
ce que je venais de lui dire. Cette bataille était un
spectacle qu’il ne voulait manquer sous aucun prétexte,
mais je suppose qu’il se débrouilla tout de même
pour informer Bonaparte de mes divagations au sujet du Saint-Graal. À
la tombée de la nuit, Jaffa était en feu et je
commençais à mourir de faim, mais finis par m’endormir
au son de la canonnade.
L’aube
se leva sur une large brèche dans la muraille sud de la ville.
Au sein des maisons blanches, fragiles comme des gâteaux de
mariage, béaient de nombreuses taches noires, et la fumée
recouvrait Jaffa. Les Français réglaient leurs tirs
comme des chirurgiens et la brèche s’élargissait
encore. Je distinguais les boulets retombés au pied de
l’enceinte comme des raisins secs dans une pâte à
beignets. Deux compagnies de grenadiers, flanquées de
techniciens d’assaut spécialistes des explosifs, se
rassemblaient dans les ravins. D’autres effectifs se
préparaient derrière eux.
Najac
revint me détacher.
« Rendez-vous
avec Bonaparte. Démontre-lui ton utilité ou crève ! »
Napoléon
occupait le centre d’un groupe d’officiers, le plus petit
en taille, le plus grand en personnalité, celui qui parlait le
plus avec ses mains. Les grenadiers emplissaient le ravin, saluant
sur le chemin de la brèche. Les boulets ottomans pleuvaient
dru, hachant les feuillages comme une faux gigantesque, leur tir
erratique retardant à peine l’avance des soldats, sous
un déluge de feuilles coupées.
« On
va bien voir quelles têtes vont finir sur des piques, ce
coup-ci ! » lança un sergent alors qu’ils
passaient devant l’état-major, baïonnette au canon.
Bonaparte
sourit tristement. Et lorsque l’assaut commença, il se
dirigea vers nous, trop impatient, peut-être, pour attendre
sans bouger le succès ou l’échec de l’opération
en cours. La mitraille des mousquets signala la ruée à
travers la brèche, mais il ne se retourna même pas.
« Qu’est-ce
que j’apprends, monsieur Gage ? Vous faites des miracles !
Vous tirez de l’eau du sable et vous domptez des serpents ?
— J’ai
trouvé une ancienne conduite.
— Plus
le Saint-Graal, m’a-t-on dit. »
Je
respirai un bon coup.
« C’est
ce que je recherchais dans les pyramides, général, et
ce que le comte Alessandro Silano poursuit avec l’aide de son
rite égyptien de la franc-maçonnerie corrompue…
pour le malheur de tous. Najac lui-même est en rapport avec des
scélérats qui…
— Monsieur
Gage ! J’endure vos sottises depuis des mois, sans aucun
bénéfice perceptible. Je vous ai offert une
association, une chance de refaire le monde sur la base de nos deux
révolutions, la française et l’américaine,
et tout ce que vous avez fait, en retour, c’est déserter
à bord d’un ballon. Vrai ou faux ?
— La
faute à Silano qui…
— Le
Graal, vous l’avez trouvé ou non ?
— Non.
— Vous
savez où il est ?
— Non,
mais nous le cherchions lorsque Najac…
— Savez-vous
même ce qu’il représente ?
— Pas
exactement, mais… »
Il
se retourna vers Najac.
« Cet
homme ne sait rien, c’est l’évidence même.
Pourquoi m’avez-vous dérangé ?
— Mais
il a dit, dans la fosse…
— Qu’auriez-vous
dit, sous la menace de serpents
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