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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
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préféré
les serpents, mais cette solution est presque aussi bonne ! »
    Il
s’éloigna vivement alors que les mousquets se couchaient
en joue.
    « Feu ! »
    *
* *
    Le
fracas fut assourdissant, les prisonniers se bousculaient follement
entre eux et de nombreux corps s’écroulèrent. Le
géant noir que j’avais repéré avait fait
deux pas vers Najac, l’implorant de ses mains levées
comme si le salopard avait pu lui accorder sa grâce, in
extremis. Il
était juste entre moi et les mousquets lorsque la salve
éclata. Les balles le rejetèrent en arrière,
mais il m’avait protégé de tout son grand corps
musculeux.
    La
première ligne de prisonniers s’était disloquée
au milieu des cris, et tant de sang m’avait éclaboussé
que je craignis un instant que le mien n’y fut mêlé.
De ceux qui restaient encore debout, certains tombèrent à
genoux et d’autres chargèrent les rangs des Français
assassins. Mais beaucoup, comme moi, se jetèrent
instinctivement dans la mer. « Feu ! »
    Une
deuxième ligne de tireurs empila d’autres victimes
par-dessus les premières. Un de mes voisins immédiats
eut une quinte de toux effroyable, un autre perdit le sommet de son
crâne dans un brouillard rouge. L’eau accueillit en
clapotant les douzaines de fuyards qui tentaient de se soustraire à
l’horrible hécatombe. Certains tombaient, cherchant le
sol ferme au fond de l’eau, la plupart déjà
blessés dont les voix suppliaient Allah.
    « Feu ! »
    Tandis
que d’autres balles sifflaient au-dessus de moi, je plongeai,
nageai fiévreusement vers des eaux plus profondes. Vaguement
surpris de voir combien peu de Turcs savaient nager, qui restaient
paralysés avec de l’eau jusqu’à la
poitrine. Je me retournai au bout de quelques mètres. Le
rythme de la fusillade s’était apaisé. Les
soldats fonçaient, chargeaient, baïonnette au canon.
Blessés ou tétanisés par la peur, les survivants
se faisaient embrocher comme des porcs. D’autres soldats
rechargeaient calmement leurs armes avant de viser les fuyards
aquatiques, s’appelant les uns les autres et s’entredésignant
des cibles. Aux salves organisées avait fait place une volonté
d’extermination aussi peu méthodique que possible.
    Des
hommes à deux doigts de la noyade s’accrochaient à
moi. Je les repoussai et redoublai d’ardeur.
    À
cinquante mètres au large, saillait un vaste récif. Les
vagues balayaient sa surface plane, laissant dans les creux de la
roche des flaques de faible profondeur. Quelques-uns l’atteignirent
et parvinrent à y prendre pied avant de basculer, de l’autre
côté, dans une Méditerranée par bonheur
pacifique. Le groupe attira les derniers tirs et plusieurs
plongèrent, involontairement, dans une écume qui se
teinta de rose. Derrière moi, la mer fourmillait d’Ottomans
blessés ou menacés de noyade que les Français
entreprirent d’achever au sabre et à la hache. Le comble
de la cruauté !
    J’étais
encore indemne, tel Napoléon qui devait nous observer depuis
les dunes. Je mis le cap sur le large avec un sentiment d’intense
désespoir. Où pouvais-je aller ? Je dérivai
en nageant du mieux que je le pus, observant les rares rescapés
restés sur le récif que les tirs épars
frappaient encore. Était-ce Najac qui tournait en rond sur le
sable, probablement en quête de mon cadavre ? Un autre
récif plat s’élevait au-dessus des vagues, à
mi-chemin de Jaffa. Pourrais-je y improviser quelque cachette
momentanée ?
    Je
constatai, de loin, que Bonaparte avait disparu, peu désireux,
sans doute, d’assister au massacre jusqu’au bout.
J’atteignis l’autre récif auquel se cramponnaient
une infime poignée d’hommes, aussi pitoyablement exposés
que des mouches sur une assiette blanche. Les Français
s’embarquaient maintenant sur des barques afin de terminer le
travail.
    Ne
sachant trop que faire, j’enfonçai ma tête sous
l’eau, ouvris les yeux. Je voyais les jambes des prisonniers
cramponnés à leur piètre refuge, et là,
devant moi, béait une petite ouverture sous-marine semblable à
celle d’une cave. Merveilleusement isolée du vacarme de
la surface.
    Je
remplis mes poumons avant de replonger et de tâtonner, d’un
bras, à l’intérieur de la petite caverne. La
roche y était tranchante et tapissée d’algues. Je
m’y introduisis prudemment. Je pouvais respirer ! J’étais
dans une poche d’air éclairée par une fente dans
la roche, au-dessus de ma tête.

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