Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
Vom Netzwerk:
la rive sablonneuse, au-delà du vaste
demi-cercle des lignes françaises, et on aborda leur camp par
l’arrière, en trébuchant à travers les
récoltes piétinées.
    Il
est plus facile qu’on ne croit d’infiltrer une armée
au bivouac par cette zone réservée aux cuisines
roulantes, aux cantiniers, aux chapardeurs et autres parasites qui ne
portent jamais les armes. Je dis à mes compagnons de
m’attendre parmi les broussailles, sur la berge d’un
ruisseau murmurant, et m’avançai en pleine lumière
avec l’air supérieur d’un savant ou d’un
technicien sûr de connaître toutes les réponses.
    « J’ai
un message pour Gaspard Monge, de la part de ses confrères
scientifiques du Caire, dis-je à une sentinelle.
    —  Il
aide à l’hôpital. »
    L’homme
pointa son fusil dans la direction adéquate :
    « Là
tout droit. À vos risques et périls. »
    Avions-nous
donc blessé tant de monde ?
    Le
ciel s’éclaircissait à l’est quand
j’atteignis le groupe de tentes reliées entre elles par
des toiles tendues. Monge dormait sur un matelas, à l’entrée
de la première, pas très frais lui-même pour un
scientifique d’âge moyen que les campagnes napoléoniennes
vieillissaient avant l’heure. Il était pâle,
amaigri par la fatigue et peut-être la maladie. J’hésitais
à le réveiller.
    Je
jetai un coup d’œil à l’intérieur de
la vaste tente. Des soldats, dont certains gémissaient en
sourdine, dormaient sur des couchettes alignées en longues
rangées parallèles. Ça me paraissait beaucoup,
même compte tenu des morts et des blessés abandonnés,
livrés à eux-mêmes sur le champ de bataille, avec
si peu de chances de survie. Je me penchai pour examiner le plus
proche qui s’agitait faiblement. Ni bandages ni blessures
apparentes, mais de grosses pustules faciales et, sous le drap que je
soulevai doucement, une enflure démesurée des organes
génitaux.
    La
peste.
    Je
reculai précipitamment baigné de sueur. Des rumeurs
circulaient mais cette confirmation brutale ramenait à de
vieilles terreurs historiques. La maladie était la hantise des
armées, le fléau des sièges prolongés, et
rarement cantonnée dans un seul des camps en lice. D’un
autre côté, l’apparition de cette horreur posait
un ultimatum à Napoléon : gagner avant que son
armée soit décimée. Pas étonnant qu’il
ait voulu presser le mouvement !
    « Ethan,
c’est vous ? »
    Je
me retournai vivement. Monge se redressait, le cheveu hérissé,
la paupière clignotante. Plus que jamais, sa tête me
rappelait celle d’un bon vieux chien accueillant.
    « Une
fois de plus, je viens vous demander conseil, Gaspard. »
    Il
souriait.
    « On
vous a cru mort. Et puis on a tous deviné qui était
l’électricien fou de la garnison d’Acre et vous
voilà, sur un simple appel. Vous êtes sans doute un vrai
magicien. Ou bien l’homme le plus perplexe des armées en
présence, jamais sûr d’être du bon côté
de la barricade !
    —  J’étais
très heureux dans l’autre, Gaspard.
    —  Vraiment ?
Entre un pacha despotique, un Anglais lunatique et un royaliste
français jaloux ? Je n’y crois pas une seconde.
Vous êtes plus rationaliste que vous ne le prétendez.
    —  Phélippeaux,
lui, prétend que c’était Bonaparte qui le
jalousait, à l’Ecole militaire.
    —  Phélippeaux
tourne le dos à l’histoire ! Comme tous ceux qui
s’entassent derrière ces murs. La révolution est
en passe de purger l’homme de bien des siècles de
superstition et de tyrannie. Le rationalisme finit toujours par
triompher de toutes les superstitions. Nos armées apportent la
liberté.
    —  Avec
la guillotine, les massacres et la peste ! »
    Il
fronça les sourcils, déçu, mais ses lèvres
tremblaient aux commissures. Finalement, il se mit à rire.
    « Quels
philosophes on fait tous les deux, à l’autre bout du
monde.
    —  Au
centre de la terre, diraient les juifs !
    —  Oui,
toutes les armées se croisent en Palestine. Le carrefour de
trois continents.
    —  Gaspard,
où avez-vous trouvé cette bague ? »
    Sorti
de ma poche, le rubis rougeoyait comme un caillot de sang, dans la
pénombre de la tente.
    « Astiza
l’avait au doigt quand je l’ai vue tomber dans le Nil, à
notre dernière rencontre.
    —  C’est
Bonaparte qui a fait tirer la flèche.
    —  Mais
pour quelle raison ?
    —  Mon
Dieu !… parce que cette personne est bien vivante, pour
commencer. »
    Mon
cœur piquait

Weitere Kostenlose Bücher