Histoire De France 1618-1661 Volume 14
pas.»
Est-ce Vanini qui ressuscite! ou bien est-ce déjà Diderot? Rien de tel? Les grandes révoltes sont ajournées. La petite affaire janséniste va absorber les plus hardis.
Tant d'agitations inutiles ont excédé l'esprit public.C'en est fait de la comédie pour quelque temps. On souffle les chandelles, et la farce est jouée. L'auditoire est heureux d'être mis à la porte. Il bâille et va se mettre au lit. Les bouffons de la pièce, pamphlétaires, satiriques, rieurs gagés, n'y gagnant plus leur vie, tournent bientôt au madrigal, plus lucratif, soupirent à tant par vers, et riment pour les ballets du roi.
Ce roi jeune et galant, qui danse le Zéphyr , qui à lui seul joue les Jeux et les ris , qui tout à l'heure sera Phébus, ou le Soleil (soleil d'amour des Mancini, des La Mothe et des La Vallière), voilà l'idole de la paix, le culte nouveau de la France. Si elle est vraiment amoureuse, elle est femme, et ne rira plus.
Qui trouvera-t-on qui rie encore? qui garde l'esprit de la Fronde? Un seul homme peut-être. Dans un triste hôtel du Marais, non loin de Marion Delorme et de la jeune Ninon, l'Homère grotesque, le Virgile cul-de-jatte, Scarron, fait le Roman comique . Rieur obstiné, intrépide, il rit sur son grabat, sur ses propres ruines, sur les ruines du monde. Il se divertit à conter la vie aventureuse d'une société de carnaval, aussi morale, aussi rangée que l'administration de Mazarin et de Fouquet. Peinture divertissante et basse. Mais plus basse, de beaucoup, est la réalité de ce temps-là, lorsque Ragotin trône au Louvre.
La meilleure farce, au reste, de Scarron, c'est celle qu'il a faite sans en deviner la portée. Je parle de son mariage. La jeune Aubigné, qu'il nourrit, qu'il élève (jolie petite prude qu'il prend, ma foi, pour lui), comme il rirait s'il prévoyait qu'il la préparepour le grand roi! Tant pis pour celui-ci, qui n'y pense que trente ans trop tard. Scarron doit passer avant lui.
Que fût-il devenu, le pauvre homme, si d'avance il eût lu les deux inscriptions qu'on voit aux voûtes de la chapelle de Versailles, et qui disent si bien les deux religions de l'époque: le roi le dieu du peuple, et madame Scarron dieu du roi!
Intrabit in templum suum dominator. Le roi entrera dans son temple.
Rex concupiscet decorem tuum. Ta beauté remplira le roi de désir et de concupiscence.
Voilà pourquoi la foule, en ces derniers temps de Louis XIV, s'obstinait, dit Racine, à demander et faire jouer les farces de Scarron. On l'évoquait pour voir cette vengeance de la Fronde. Scarron ne revint pas. Il eût trop ri. Il eût eu l'aventure de l'Arétin, qui, dans un tel accès, tomba à la renverse et se cassa la tête. Il fût mort une seconde fois. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XXV
TURENNE RELÈVE MAZARIN.—RÈGNE DE MAZARIN
1652-1657
Les Mémoires véridiques du modeste Turenne et ceux de son jeune lieutenant York (depuis Jacques II) nous apprennent que, sans la fermeté de ce grand militaire, la cour et Mazarin lâchaient pied, cédaient tout. N'étant reçus ni à Paris, ni à Rouen, ni dans aucune ville de France , sans lui, ils fuyaient jusqu'à Lyon.
C'est-à-dire que Paris, que la France, qui vomissait Condé, ne voulait pas pour cela ravaler Mazarin. Excessif était le dégoût, et la nausée mortelle. Pour qu'on subît cette odieuse médecine, il fallut un peu d'aide. Il fallut la douce contrainte d'une exécutionmilitaire par trois armées (de Turenne, de Condé et des Lorrains), qui fit de la banlieue, à dix lieues à la ronde, un désert comparable à ceux de Picardie et de Lorraine.
Turenne, qui s'efface partout ailleurs, dit ici nettement (et je le crois) qu'il eut les grandes initiatives du temps:
1 o Il arrêta la cour, effrayée de l'entrée des Espagnols qui venaient secourir Condé; il l'empêcha de fuir (juillet 1652).
2 o Mazarin, s'éloignant encore pour apaiser et faire céder les résistances de Paris (août), Turenne prit toute précaution pour que cet éloignement ne fût pas définitif et pour assurer son retour .
3 o Il inquiéta les Espagnols, qui n'allèrent pas plus loin que Laon. Il prit une bonne position à Villeneuve-Saint-Georges, et y tint un mois en échec Condé et les Lorrains (septembre).
4 o Enfin, il donna à la cour, à la reine et au jeune roi le courage de rentrer dans Paris , qu'ils redoutaient toujours. À ce point qu'arrivés aux portes, et sachant que Monsieur y était encore, la peur qu'ils eurent
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