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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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avait près d'elle, à Madrid, l'horrible pamphlétaire, le calomniateur Lagrange-Chancel, dont les furieuses Philippiques appelaient sur le Palais-Royal l'horreur du monde, le poignard et la foudre.
    Comment, en 1721, tout va-t-il brusquement changer? Comment Madrid pourra-t-elle se démentir, s'allier tout à coup, et si étroitement, avec celui qu'elle croit le maudit, l'ennemi de Dieu?
    J'ai dit tout le danger d'une reine espagnole pour la France. Mais l'Espagne ne devait pas moins craindreles deux princesses françaises. Les filles du Régent, à vrai dire, étaient effrayantes. Toutes jolies, mais folles à lier, et propres à rendre fou. L'aînée, on l'a vu, délirait d'impiété; la seconde, l'abbesse de Chelles, d'emportement fantasque. La jeune duchesse de Modène, dès l'enfance joueuse effrénée. En allant se marier, elle emporte son tapis vert, joue à mort chaque nuit.
    La future reine d'Espagne, laissée à la servilité ignoble des nourrices, n'ayant ni tenue, ni décence, va étonner dans ce pays si grave, sera presque un objet d'horreur.
    Mais expliquons le pacte, la façon brusque, impudente, dont Dubois corrompit la reine par l'intérêt de ses enfants.
    On connaît la forte scène de Shakspeare, où l'affreux bossu Richard III, rencontrant la belle jeune veuve devant le mort qu'on porte, devant la cendre chaude de tant de princes assassinés, arrête la faible femme, la force de l'entendre, est écouté, d'abord avec horreur,—n'importe, est écouté, parle si bien, le traître, qu'elle se laisse enfin passer l'anneau!...
    Avec moins de façon, moins d'éloquence, presque aussi peu de temps, le vieux furet à la perruque rousse brusqua l'affaire avec la reine. L'Italienne, élevée dans un grenier de Parme, et qui se sentait toujours un peu de sa condition, quand on lui offrit à la fois ces choses énormes, de faire reine de France son bébé de quatre ans, et son petit Carlos un grand prince italien (roi d'Italie peut-être), elle ne se sentit aucune force de résistance. Cette damnée pomme d'or qu'elle rêvaittoujours, l'Italie! fit tout à coup de l'orgueilleuse une Ève, tristement mise à nu dans la honte de sa friandise.
    Avec Daubenton et la reine, Dubois tenait la chose. Il se gênait fort peu. À ce moment, où il eût été naturel qu'il prît certains ménagements de décence catholique, il ne perdait nulle occasion publique de cracher sur les choses saintes.
    Le Sultan envoyant ici une solennelle ambassade, tout ce monde venu à Marseille fut établi par lui dans une église pour faire sa quarantaine. Grande surprise pour les Turcs eux-mêmes, que l'iman souverain qui gouvernait la France leur fît polluer sa mosquée. Les curieux remarquaient que cette ambassade nombreuse n'avait pas amené de femmes, autant qu'on pouvait supposer sur les costumes un peu équivoques des Orientaux. Mais quatorze jolis enfants, galamment parés de rubans, laissaient un peu douter si c'étaient des pages ou des filles. Dubois fait coucher tout cela dans une église chrétienne.
    Dans l'audience publique qu'il dût donner au Turc, le cérémonial exigeant qu'on le parfumât à l'orientale, Dubois en fit une scène à la Molière, encensa son mamamouchi avec des encensoirs bénis du pape que Tencin lui avait envoyés de Rome. Ils s'écrivirent des lazzi sur cela, en firent des gorges-chaudes.
    Voilà l'homme avec qui Philippe V et sa reine vont pactiser. Cette cour, cruellement, effroyablement catholique, qui immole à sa foi tant de victimes humaines, va marcher sur sa foi! Comment le roi, qui sait si bien la puissance de la femme, ne sent-il pas queces deux petites Françaises, élevées au Palais-Royal, toutes-puissantes sur leurs jeunes maris, vont les gâter, qui sait? gâter l'Espagne de la contagion de leur libertinage impie!
    Mais voici le plus fort pour l'ex-Français, le gentilhomme. Il avait été accablé de la cruelle mort des Bretons, les martyres de sa cause, que Dubois venait de faire exécuter à Nantes. Il en restait mélancolique. Leur sang tout chaud, leurs têtes coupées se dressaient entre lui et le Régent. Le cœur, l'honneur s'opposaient au traité. On ne l'en vit pas moins s'y prêter, le solliciter, faire les premières démarches officielles, contre tous les usages, offrir sa fille (sept. 1721), sans attendre qu'on la demandât. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XXI
LOUIS XV—LES MÉCHANTS—CARTOUCHE
1721
    Louis XV, à onze ans, ne pensait guère au mariage.

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