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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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à peu près comme le docteur Guillotin avait perfectionné la hache du bourreau. Lorsque la Terreur fut légalisée, elle n’en resta pas moins livrée aux plus violents. Et il ne manqua plus qu’une formalité, légale elle aussi, pour que Robespierre et ses amis y fissent passer leurs adversaires politiques, confondus avec les traîtres, les contre-révolutionnaires et les fauteurs d’anarchie que le tribunal révolutionnaire devait châtier : il y suffit que les membres de la Convention cessassent d’être inviolables.
    À la fin du mois de mars, la Convention avait déjà tiré de son sein le Comité de Salut public pour contrôler les ministres, c’est-à-dire pour gouverner directement. Afin que les contrôleurs fussent à leur tour contrôlés, selon la logique du terrorisme, les Conventionnels, sur la proposition de Marat, avaient renoncé à leur inviolabilité. Alors les révolutionnaires purent se guillotiner entre eux.
    Marat, « fanatique désintéressé », a été l’homme le plus influent de la Révolution celui qui l’a menée du dehors avec le plus de suite, parce qu’il avait l’instinct démagogique, c’est-à-dire le don de deviner les passions populaires et le talent d’exprimer les haines et les soupçons de la foule de la façon même dont elle les sentait. Marat, écrivain et agitateur, a été un terrible artiste de la démagogie. Il inspirait du dégoût à Robespierre lui-même, mais il était, depuis l’origine, indispensable au progrès de la Révolution dont le développement – c’est la clé dont on ne doit pas se dessaisir – était lié à une agitation chronique de la population parisienne, à la possibilité de provoquer des émeutes à tout moment. Camille Desmoulins disait avec raison « qu’il n’y avait rien au-delà des opinions de Marat ». La marche de la Révolution ne s’arrêtera pas le jour même où Charlotte Corday aura tué ce monstre, mais elle en sera sensiblement ralentie. Robespierre, devenu homme de gouvernement à son tour, aura moins de peine à faire front contre des meneurs subalternes comme Hébert, et, par là, il rendra lui-même possible la réaction de Thermidor.
    En attendant, les Girondins avaient compris que, pour sauver leur propre tête, ils devaient frapper l’homme par qui la Révolution communiquait avec l’anarchie et y trouvait en toute circonstance critique sa force de propulsion. Une de leurs pires illusions, que Danton semble avoir partagée, fut que le tribunal révolutionnaire leur servirait à les délivrer de Marat. Ils obtinrent de l’Assemblée qu’elle le mît en accusation. Mais en le déférant à Fouquier-Tinville et aux jurés parisiens, c’était comme si elle l’avait envoyé se faire juger par lui-même. L’acquittement de Marat fut triomphal et les Girondins reçurent de l’extrême gauche ce nouveau coup.
    Le mois d’avril 1793 et les deux mois qui suivirent furent aussi mauvais pour eux que pour la République. On n’avait jamais été si bas. Dumouriez avait échoué en Hollande, perdu la Belgique, puis il avait émigré, comme La Fayette, après avoir livré aux Autrichiens les commissaires de la Convention. La défection du vainqueur de Valmy et de Jemmapes signifiait un manque de confiance qui pouvait devenir grave. Elle redoubla à Paris l’ardeur des luttes politiques, paru que, Danton ayant été en rapport avec Dumouriez, les Girondins l’accusèrent d’avoir trahi. Danton s’en défendit avec violence. Mais si sa parole était toujours hardie, sa pensée était hésitante. Il était troublé, incertain, comme un homme qui avait à se reprocher au moins les massacres de septembre. L’accusation lancée contre lui eut pour effet de le rejeter vers la gauche. Il prit parti contre les Girondins lorsque ceux-ci, effrayés par l’acquittement de Marat, reportèrent leur offensive contre la Commune de Paris. Ralliant toujours, quand ils invoquaient le respect de l’ordre, une majorité à la Convention, ils avaient pu imposer un conseil de surveillance à la municipalité jacobine. La riposte des Jacobins fut conforme au procédé qui n’avait cessé de réussir dans les journées révolutionnaires – violente campagne des clubs et de la presse contre là Gironde accusée de fédéralisme et de royalisme, excitations prodiguées à la population parisienne maintenue en état d’énervement par la dépréciation croissante des assignats, les mauvais approvisionnements dus à la

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