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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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pardonner mes péchés ? » – Le confesseur lui
proposa plusieurs motifs en la miséricorde infinie de Dieu. Le
marquis ajouta qu’il avait toujours beaucoup compté sur la
protection de la sainte Vierge.
    « La frayeur des jugements de Dieu et le
regret de l’avoir offensé furent les premiers sentiments que
MM. de Montlouis et du Couëdic témoignèrent d’une manière
fort chrétienne à leurs directeurs… M. de Talhouet fut le
dernier à qui on prononça l’arrêt… Il me semble encore le voir se
relever d’un air fort pensif, les yeux baissés, mais avec la plus
grande tranquillité du monde, pendant que les exécuteurs lui
liaient les mains… Comme nous entrions dans la chapelle,
M. de Poncallec, qui n’avait rien dit, voyant entrer
MM. de Montlouis et du Couëdic, s’écria :
« Ah ! voilà un bien honnête homme que l’on fait
mourir ! » Il voulut l’embrasser en disant :
« Ah ! quelle injustice ! » Puis, se tournant
vers moi : « Ah ! Père, quelle
injustice ! » M. de Talhouet lui répondit trop
bas pour que je le pusse entendre ; je dis seulement
alors : « Eh ! Messieurs, ce que nous ne pouvons
empêcher, souffrons-le d’une manière grande, généreuse et
chrétienne : recevez de la main de Dieu, et non de la part des
hommes, la disgrâce qui vous est arrivée. »
    « Je fis alors un petit compliment à
M. de Talhouet, tout bas : « La Providence me
destine à vous rendre service, Monsieur, dans une occasion bien
importante, mais bien triste : c’est pour moi bien de
l’honneur, mais bien de l’affliction ! Puisque Jésus-Christ a
bien voulu mourir pour nous, nous mourrons aussi très-volontiers
pour lui et pour notre salut ; honorez-moi, je vous prie,
Monsieur, de toute votre confiance : je ne la demande que pour
votre utilité. Ah ! Monsieur, il faut mourir d’un grand cœur
pour celui qui est mort pour nous, et dans la même semaine qu’il
est mort pour vous. » M. de Talhouet me répondit
qu’il regardait comme une grande grâce de Dieu de mourir dans la
Semaine sainte, et témoigna que je lui ferais toujours plaisir de
lui parler de la Passion de Jésus-Christ.
    « Comme il me parut s’avancer vers moi,
je pris la liberté de l’embrasser. J’ajoutai d’un ton plus
hardi : « Oh ! Monsieur, le monde s’évanouit et
s’enfuit loin de vous ; l’éternité s’annonce et se présente à
vous ; j’ai ordre de vous le dire, Monsieur, l’éternité, qui
est si longue, n’est éloignée de vous que de l’espace de deux
heures : deux heures de temps bien courtes, mais bien
ménagées, vous procureront une éternité de gloire et de
bonheur ; ne perdons pas un moment d’un temps si précieux,
oublions tout le monde, ne pensons plus qu’à Dieu, au ciel et à
l’éternité. » M. de Talhouet se mit à genoux pour
commencer sa confession, qui était depuis peu de temps…
    « M. de Poncallec se plaignait
avec assez de modération… Jamais je ne lui entendis prononcer
aucuns jurement, ni aucunes paroles injurieuses. Voici à peu près
ce qu’il disait : « Quelle injustice ! lier les
mains à des gentilshommes ! cela ne se doit pas faire. Nous
voilà donc condamnés à mort, sans jamais avoir tiré l’épée ni un
seul coup de pistolet contre l’État. Voilà donc cette royale
chambre qu’on disait agir avec tant de douceur ! Quelle
douceur ! Tant de fois on m’avait dit :
Poncallec,
dis tout, déclare tout ce que tu sais ; c’est le moyen de
n’avoir point de mal.
J’ai fait tout ce qu’ils m’ont demandé,
et ils ne font pas ce qu’ils m’ont promis. On me disait dimanche
que M. de Miâne avait entre ses mains la grâce de
M. de Montlouis. Quoi donc ! lui lier les mains et à
nous aussi ! Sommes-nous donc les quatre victimes, pendant
qu’on en épargne d’autres plus coupables que nous ! » Il
ne nommait cependant personne.
    « Toutes les plaintes de M. du
Couëdic étaient de s’écrier de temps en temps :
« Seigneur, pardonnez – moi mes péchés ; mon Dieu, sauvez
mon âme ! » Je m’avançai fort respectueusement vers
M. de Poncallec, et lui dis d’un ton assez bas afin qu’il
me répondit de même : « Ah ! Monsieur, que je suis
désolé de vous voir dans une si triste situation ! Ah !
que ne puis-je, à quelque prix que ce soit, contribuer à votre
consolation ! – Ah ! mon Père ! me dit-il d’un ton
et d’un air fort doux, nous sommes condamnés !

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