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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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avait dit à ses soldats : « Français !
montrez qui vous êtes, quel roi vous servez, et quel chef vous
conduit. » Après son triomphe, toute la province le porta aux
nues. Les états, réunis à Nantes, le fêtèrent comme un sauveur. Et
c’était cependant le même homme que la malédiction générale devait
bientôt poursuivre. Une épigramme prépara ce fatal changement. –
D’Aiguillon était entré avant la bataille dans un moulin d’où il
sortit tout blanc ; de mauvais plaisants prétendirent que
c’était la seule poudre qu’il eût respirée à Saint-Cast ; et
La Chalotais, procureur général au parlement, sacrifia le repos de
son pays au désir de faire ce bon mot : « Si notre
général ne s’est pas couvert de gloire, il s’est du moins couvert
de farine. »
    Le duc fit payer cher cette parole à La
Chalotais qui l’avait dite, et à toute la Bretagne qui l’avait
répétée. Il croyait avoir le droit de compter La Chalotais parmi
ses ennemis, et il le dénonça à la cour comme un magistrat infidèle
à l’autorité royale. Le parlement, dans des remontrances où le
patriotisme breton allait jusqu’à la rudesse, repoussait les édits
bursaux, et accusait formellement d’Aiguillon d’exactions et
d’actes arbitraires. Il semblait que la province, en protestant de
sa fidélité, y mît pour condition le rappel du gouverneur. Le
gouverneur fit enregistrer ses édits à la faveur d’un appareil
militaire. Tous les membres du parlement, à l’exception de douze,
donnèrent leur démission. La Chalotais, son fils, trois
conseillers, furent arrêtés, enfermés dans la tour de Saint-Malo,
puis transférés à la Bastille. Des commissaires furent nommés pour
instruire leur procès. Il n’y allait pas de moins que de leur tête.
Le duc d’Aiguillon, maintenu dans son gouvernement, triomphait de
la haine publique. Cependant l’opinion, c’est-à-dire l’indignation
générale, se manifesta si hautement contre les juges de La
Chalotais, qu’il fallut avouer l’innocence de ce magistrat
citoyen,
rappeler le parlement de Bretagne, et souffrir
que le parlement de Paris informât contre le duc d’Aiguillon. Il y
fut déclaré prévenu de faits contraires à l’honneur, et suspendu
des fonctions de la pairie. Mais telle était la mobilité de la
cour, aussi imprudente que timide, qu’immédiatement après cet
arrêt, tous les parlements furent cassés, et le pair flétri appelé
au ministère. Trois ans après, en 1774, l’autorité royale passa
dans d’autres mains, qui, si elles n’étaient pas plus fermes,
étaient au moins pures. Si Louis XV avait vécu encore un an,
il aurait vu éclater la révolution française : les réformes de
Louis XVI la retardèrent de quinze années. Le premier acte du
roi martyr fut une rupture éclatante avec les scandales du dernier
règne. La Bretagne respira comme la France, et salua le monarque
avec amour. Le bon duc de Penthièvre, revenu enfin dans son
gouvernement, représenta dignement la nouvelle royauté aux états de
1774. « Je ne veux point d’honneurs, je ne veux que vos cœurs,
dit-il dans la première assemblée. – Ils sont à vous, »
répondit l’évêque de Rennes au milieu d’applaudissements unanimes.
Les parlements furent rétablis, aussi imprudemment peut-être qu’ils
avaient été supprimés : toutes les victimes du duc d’Aiguillon
furent plus ou moins vengées.
    Cependant de graves symptômes annonçaient
chaque jour que Louis XVI avait entrepris l’impossible. Ce
n’était plus tant le parlement et la noblesse qui menaçaient la
monarchie, c’était le tiers-état. Vers cette époque eut lieu la
guerre d’Amérique, d’où les conquérants de l’indépendance des
États-Unis rapportèrent la contagion de la liberté. La Chalotais
était revenu en triomphe à Nantes, et l’enthousiasme pour sa
personne était si vif en ce moment, que son portrait fut inauguré à
Machecoul dans une fête publique, où l’on vit des vieillards
octogénaires quitter leurs béquilles pour danser autour du feu de
joie.
    À partir de 1779, des émeutes journalières à
Nantes et à Rennes annonçaient l’imminence d’une explosion
révolutionnaire en Bretagne. Le parlement sévissait en vain. Aux
réunions à coups de poing succédaient les réunions délibérantes.
Les étudiants, le peuple et jusqu’aux femmes préludaient aux clubs
révolutionnaires. La cause sans remède de ces troubles était
l’embarras

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