Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
Vom Netzwerk:
magistrats, ou comprendra qu’il y
avait là toute une contre-révolution.
    Ce qui acheva d’exaspérer les villages, c’est
que les villes furent ménagées à leurs dépens, sous prétexte qu’ils
ne fournissaient pas assez de volontaires. « Faites peser la
réquisition sur les paroisses les plus récalcitrantes, »
écrivait imprudemment le pouvoir exécutif. Plus imprudents que
leurs chefs eux-mêmes, les commissaires menaçaient des postes les
plus éloignés et les plus dangereux tous ceux qui ne marcheraient
pas spontanément. Les paysans, convaincus qu’on voulait les mener à
la boucherie, répondirent : « Autant vaut mourir chez
nous ! »
    « Ce mot, dit avec raison
M. Pitre-Chevalier, définit parfaitement toute leur
insurrection, dans laquelle l’esprit de parti le plus aveugle a pu
seul voir un complot organisé d’avance… Ce fut le mouvement le plus
libre et le plus spontané qu’offre l’histoire ancienne et moderne.
Les persécutions religieuses avaient comblé l’irritation populaire,
la levée en masse fut la dernière goutte qui la fit
déborder. »
    Ce ne fut pas la noblesse qui fit soulever les
masses, ce furent au contraire les masses qui entraînèrent la
noblesse, au nom du peuple et de ses intérêts. Les paysans
opposèrent à la république sa propre devise :
Liberté,
Égalité.
Ou vit alors en Bretagne et en Vendée, comme l’a
très-bien dit un écrivain de nos jours, cet étrange et merveilleux
spectacle, si méconnu jusqu’ici par les historiens : d’un
côté, un gouvernement qui s’intitulait
République,
et qui
dépassait toutes les corruptions et toutes les tyrannies de la
monarchie absolue ; de l’autre côté, une armée de paysans qui
réalisait, sous le drapeau de la monarchie, toutes les théories de
la république.
    À l’exception de quelques levées partielles,
qui s’accomplirent avec facilité (comme à Nantes et dans certaines
villes du Finistère), il est vrai de dire que toutes les paroisses
bretonnes repoussèrent la loi du 24 janvier. Dans le Finistère
même, si puissamment administré, on ne put contenir les territoires
de Lesneven, de Brest, et surtout de Saint-Pol-de-Léon. Cette
répulsion fut particulièrement énergique dans le Morbihan ; on
y vit plusieurs villes assaillies ou enlevées par des milliers de
paysans réfractaires. Pareil fait se produisit dans la
Loire-Inférieure, l’Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord.
    Une première bande se rallie à une autre, et,
comme une avalanche, grandit en s’avançant. À Vannes, les
magistrats et la garde nationale vont au-devant de huit cents
rebelles, qu’ils somment en vain de retourner sur leurs pas.
D’autres bandes s’unissent à celle-ci, et elles forcent la ville
sous le feu de la garnison : on s’assomme d’une part (les
paysans n’avaient que des bâtons), on se fusille de l’autre.
L’autorité n’a le dessus qu’en s’assurant de cent cinquante
réfractaires.
    « Quelles sont vos intentions ? leur
demandent les juges de paix.
    « – Puisqu’il n’y a plus de roi, de loi,
ni de prêtres, répondent-ils, nous voulons
crocher
avec la
nation. Nous voulons savoir de quel droit on prétend recruter. Nous
ne connaissons plus de maîtres ; nous nous lèverons
tous ! »
    Et déjà les plus effrayants rapports viennent
justifier cette menace. On reconnaît aux vengeances dont parlent
des missives des hommes poussés à bout par trois ans de
résignation. Les affreux événements de la Roche-Bernard viennent
terrifier les administrateurs et la milice de Vannes, au moment ou
ils se préparaient à courir au secours de leurs voisins. Le
massacre de la Roche-Bernard fut le prologue du drame qui allait
ensanglanter la Bretagne. Il faut le dire, le plus beau rôle n’y
appartient pas aux insurgés ; et ses terribles représailles,
qu’on va leur rendre au centuple, nous rappellent la confidence que
faisait naguère un de leurs chefs à un historien estimable :
« Une fois en guerre réglée, les paysans de l’Ouest furent
aussi humains que le permirent les circonstances ; mais aucune
parole ne saurait exprimer la frénésie de leur premier
soulèvement. » Ajoutons qu’à la Roche-Bernard les deux partis
eurent leurs héros comme leurs martyrs. On vit un gentilhomme,
M. du Plessis, bravant la fureur des villageois égarés, aller
chercher des médecins pour leurs victimes, leur porter lui-même ses
secours et ses soins, et sauver dans sa maison, au

Weitere Kostenlose Bücher