Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
risque de sa
propre vie, le lieutenant Monistrol. On vit aussi la femme
Priour-Ducordic se faire la gardienne intrépide et la servante
dévouée des patriotes, leur donner son lit, sa table, sa bourse, et
les arracher, sous divers déguisements, aux poursuites de ses
propres amis.
Il faut dire aussi que la principale victime
parmi les républicains
,
Joseph Sauveur, enthousiaste
révolutionnaire, avait souvent excité les citoyens de Rennes et de
la Roche-Bernard contre les paysans ; qu’il s’était montré
justicier impitoyable envers les prêtres réfractaires ; enfin,
que les paysans bretons lui attribuaient le coup de feu qui avait
abattu un des leurs quand ils fraternisaient avec les
habitants.
Quoi qu’il en soit, tout cela montrait à la
République qu’après avoir semé le massacre elle allait recueillir
le carnage. On se figure sans peine que la réaction n’épargnait pas
les prêtres assermentés.
Les vainqueurs du la Roche, grossis de village
en village, se jetèrent sur Rochefort, sur Redon et sur Guérande.
Déjà l’insurrection avait trouvé d’habiles capitaines : elle
le prouva à Ploërmel, et surtout à Pontivy. La garde nationale y
fut écrasée par les paysans, qui s’emparèrent à coups de fourches
d’une pièce de canon (15 mars 1793). À Rochefort, le chevalier de
Silz commandait les villageois sous le nom de général de Rochefort.
Il avait sous ses ordres Mont-Méjan, dit Dupuis, Chevalier, Guérin,
La Rivière et La Roque. Il fut le premier à organiser
l’insurrection par contingents de communes, qui se relevaient les
uns les autres, et à lui donner le drapeau royal. Les
bleus
manquèrent à la défense de Rochefort, dont les
blancs
s’emparèrent, le 16, sans coup férir.
En trois à quatre jours l’explosion des
campagnes avait ébranlé les cinq départements bretons. En plusieurs
endroits, les curés patriotes guidaient les républicains contre les
paysans bretons. Saint-Pol-de-Léon fut, depuis le 14 jusqu’au 24
mars, un véritable champ de bataille, à l’occasion du tirage de la
conscription.
Déjà l’insurrection s’agglomérait en armée,
armée d’autant plus terrible qu’elle était insaisissable, et elle
trouvait chaque jour de nouveaux chefs dans les nobles compagnons
de La Rouërie. Mais les meneurs les plus influents furent partout
les simples laboureurs qui, comme Yves Helloco, quittèrent la
charrue
pour se battre en famille jusqu’à la paix.
–
Exposons maintenant l’insurrection de la Loire-Inférieure, et par
là, entrons en Vendée.
Ce fut un spectacle imposant des deux côtés.
Dans les campagnes, une armée de paysans soulevée contre la liberté
des villes ; dans les cités, une armée de citoyens repoussant
la liberté des paysans. Ici, de pauvres gens traqués dans leurs
foyers, défendant avec des faux et des bâtons cette vieille croix
du Christ qui avait affranchi le monde. Là, les fanatiques d’une
religion nouvelle imposant à coups de fusil leur symbole, et
convaincus qu’il allait à son tour sauver la France.
Nantes, en proie aux plus vives alarmes,
apprêtait un système de défense, comme si les paysans l’eussent
menacé d’un siège en règle. Au dehors, les villageois occupaient
toutes les issues de la ville, à une lieue à la ronde. En vain les
administrateurs essayaient-ils de leur promettre pardon entier
s’ils se désistaient de leur attaque ; il était trop tard pour
parler ainsi, et on ne les écoutait pas. D’ailleurs, un tribunal
extraordinaire venait d’être créé pour juger tous les rebelles qui
seraient pris les armes à la main. Le 15 mars, grande alerte. Le
maire de Nantes redouble d’activité ; il veut que la ville
qu’il administre devienne la citadelle de la République. On se
disposait enfin à s’égorger en France entre Français, comme on
s’égorgeait sur la frontière entre Français et Autrichiens. Ce fut
alors que la Vendée tout entière se leva comme un seul homme, et
vînt donner la main à la Bretagne.
CHAPITRE XV
Suite de la révolution en Bretagne. – La Vendée
militaire. – Cathelineau. – La Rochejacquelein. – Charette. –
Première époque.
(1793)
Avant de raconter le drame de la guerre de
Vendée, dessinons en peu de mots le tableau géographique, et
indiquons les principales divisions de cette terre de héros.
Nous entendons d’abord par Vendée toutes les
parties de l’Anjou, du Poitou, du Maine et de la Normandie qui se
joignirent à la
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