Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
l’avouer hautement, » dit M. Mellinet.
Quant aux prêtres, on ne se borna pas à les laisser mourir dans des
cachots infects, on les accusa de continuer leur ministère, de
faire des prosélytes
à travers le guichet de leur prison,
et désormais ce guichet ne s’ouvrit plus que pour le geôlier.
Présidant une cérémonie funèbre à l’occasion de l’assassinat du
régicide le Pelletier, un évêque constitutionnel s’écria :
« Les Égyptiens condamnèrent les cadavres des rois ; le
Pelletier a fait infiniment davantage : il a jugé à mort la
royauté ellemême ! » Et toute la populace de
répondre : « Mort aux rois ! mort aux
aristocrates ! mort aux calotins ! »
Voilà ce qui se passait dans les villes de
l’Ouest.
Dans les campagnes, c’était une persécution
incessante, organisée de chaumière en chaumière. Croyant étouffer
la foi et la liberté à force de commissaires et d’agents, la
Convention poussait à bout la patience des hommes les plus dociles.
Au moindre péril de la révolution, au moindre revers de ses armées,
les jacobins déchargeaient leur fureur contre les populations de
l’Ouest, qu’ils accusaient de tous les malheurs de la France. –
Calomnie, ingratitude ! Qui avait jeté dans les coeurs ces
germes de liberté et provoqué ces réformes dont la république se
montrait si fière, sinon les Bretons et les hommes de
l’Ouest ? C’est une justice que Napoléon leur a rendue depuis
longtemps. Les peuples de l’Ouest avaient toujours été libéraux
dans l’acception la plus vraie du mot ; chez eux la liberté ne
datait pas d’hier ; elle avait fait reculer César, et avait
maintenu ses droits contre les monarques français, tout en leur
gardant un respectueux attachement. Quelle ne fut pas la
longanimité de ces
durs
enfants de l’Armorique, comme ils
se nommaient eux-mêmes ! Il fallut, pour leur faire prendre
les armes, que l’oppression bouleversât leurs propres consciences
et leurs propres foyers.
S’ils avaient défendu les gentilshommes
fidèles au pays, et s’ils les mirent à la tête de leurs bandes,
c’est que ces gentilshommes étaient leurs frères encore plus que
leurs maîtres. Sous une féodalité patriarcale leur vie commune
était une vie d’égalité ; leur guerre d’insurrection fut la
continuation naturelle de cette vie ; ce fut vraiment la
guerre d’amitié, comme ils se plaisaient à l’appeler.
Cet hommage au caractère breton a été formulé
par un historien qu’on ne peut suspecter de partialité en faveur de
l’Ouest, par M. Thiers lui-même (
Histoire de la
Révolution,
tome IV, page 79). Au reste, nous citons
textuellement ses remarquables expressions : « Le régime
féodal, dit-il, s’était empreint en Bretagne et en Vendée d’un
caractère tout patriarcal, et la révolution,
loin de produire
une réforme utile dans ce pays, y blessa les plus douces habitudes
et y fut reçue comme une persécution…
Les seigneurs
entretenaient avec les paysans des rapports continuels et faciles…
Ils faisaient la chasse en commun… Les prêtres, d’une grande pureté
de moeurs, exerçaient un ministère tout paternel… On subissait
l’autorité du seigneur, on croyait à la parole du curé,
parce
qu’il n’y avait ni oppression ni scandale.
»
La République s’était imaginé qu’il suffirait
de menacer les Bretons pour les enrôler sous son drapeau.
« Cette œuvre de sans-culotisme ne sera pas longue à
accomplir, avaient écrit Morillon et Barthe ; que les levées
s’effectuent avec du canon et des coups de fusil, et personne ne
résistera, » Du moins eût-il fallu pour cela une loi précise
et des ministres accrédités. – Or, rien de plus vague que la loi du
24 janvier, rien de moins considéré que les hommes chargés de son
exécution. – Le contingent de chaque commune devait être fixé dans
les vingt-quatre heures de la promulgation. Des registres
d’enrôlements volontaires restaient ouverts pendant trois jours, et
si le nombre des inscrits ne complétait pas le contingent, les
appelés réglaient eux-mêmes le moyen d’y parvenir. De là mille
conflits et mille querelles entre les citoyens et les officiers
municipaux. En vain les commissaires mettent sur les billets :
soldats de la patrie.
Ces
billets d’honneur,
comme ils les appellent, ne séduisent nullement les paysans
bretons. Si l’on joint aux ambiguïtés de la loi l’irritation des
esprits et l’impuissance des
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