Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
Charles d’Autichamp, de Piron, de La
Guérivière, et enfin le prince de Talmont.
On lit dans les
Mémoires
d’un
officier républicain cette phrase remarquable : « Si
l’armée de l’Ouest s’était dirigée de Saumur sur Paris, elle
n’aurait pas rencontré de grands obstacles. » –
« Ah ! si nos chefs avaient su s’entendre après la prise
de Saumur, » s’écrient de leur côté tous les officiers et tous
les soldats vendéens qu’on interroge sur les chances de la guerre
de 1793, « nous aurions épargné la Terreur à la France, et
hâté de vingt ans la restauration de la monarchie. »
Malheureusement les chefs, si unanimes pour
l’élection de Cathelineau, ne purent s’accorder pour la marche des
troupes. Le débat fut très-orageux dans le conseil, surtout entre
Stofflet et Bonchamps. Celui-ci demandait instamment le passage de
la Loire, et l’alliance de la Bretagne et de la Vendée. Bonchamps
avait mille fois raison ; mais le conseil se rangea à l’avis
de Stofflet, qui voulait qu’on assiégeât Nantes immédiatement, pour
faire ensuite appel à la Bretagne. C’était le chemin le plus court,
mais non le plus sûr, et l’événement justifia trop tôt
Bonchamps.
De Saumur, les Vendéens se replièrent donc sur
Angers, où ils entrèrent sans coup férir : ils n’y restèrent
que le temps de vider les prisons républicaines. Leurs rangs se
grossissaient de victoire en victoire. À la seule nouvelle de
l’approche des royalistes, toute l’ardeur révolutionnaire des
Nantais se ranima. L’Europe entière eut alors les yeux fixés sur
Nantes ; cette ville devint un moment la capitale de la
révolution ; si elle devenait la capitale de la monarchie,
c’en était fait de la république. « Maîtres de Nantes, dit
Napoléon, Charette et Cathelineau n’avaient qu’à réunir leurs
forces pour marcher sur Paris. Rien n’eût arrêté la marche
triomphante des armées royales ; le drapeau blanc eût flotté
sur les tours de Notre-Dame avant qu’il eût été possible aux armées
du midi d’accourir au secours de leur gouvernement. » Tout
cela serait arrivé sans l’énergie du maire de Nantes, le girondin
Baco. Les généraux républicains pensaient à capituler, lorsque Baco
jura qu’il s’ensevelirait plutôt sous les ruines de la ville.
L’armée de Cathelineau et de Charette était
devant Nantes. Charette s’engagea à ouvrir l’attaque le 29 juin
avec toutes ses divisions. Il fut décidé qu’on donnerait l’assaut
par tous les points à la fois, c’était une grande faute, et
Cathelineau s’efforça de l’éviter. « Il faut laisser, dit-il,
des issues à la fuite des Nantais et de leurs défenseurs… Sinon
vous doublerez leur courage par le désespoir, et vous les forcerez
à vaincre ou à mourir. » Cette sagesse fut méconnue, surtout
par le prince de Talmont. Cathelineau persista dans son avis ;
mais, seul contre tous, il dut céder. L’émulation, pourquoi ne
dirions-nous pas la jalousie ? égarait déjà les chefs
vendéens. En se divisant pour attaquer Nantes de toutes parts, ils
croyaient entrer chacun le premier dans la ville, et s’approprier
ainsi les honneurs de la journée. Cette combinaison multiplia les
actes de courage ; mais elle sauva Nantes et perdit l’armée
royale.
La garnison de Nantes se composait de onze
mille hommes, et les deux armées vendéennes réunies en comptaient à
peu près cent mille. Tous les Nantais et tous les Vendéens qui
étaient acteurs ou spectateurs de ce drame formidable palpitent
encore d’émotion après plus d’un demi-siècle, et manquent
d’expressions pour rendre l’acharnement des républicains et des
royalistes. – Cathelineau surpasse tout le monde, et se surpasse
lui-même ; mais sa valeur lui fait oublier sa prudence, et il
s’élance comme un simple capitaine, jouant sa vie à la tête des
plus braves. Les Vendéens électrisés chargent avec la
baïonnette ; encore un moment, et c’en est fait de Nantes, où
une partie de leurs troupes a déjà pénétré, quand une balle
républicaine vient frapper Cathelineau en pleine poitrine. C’était
frapper au cœur la Vendée elle-même. La fatale nouvelle court de
rang en rang, et sème partout le désespoir ; c’est une déroute
complète parmi les troupes royalistes. Le combat avait duré dix
heures depuis l’assaut de la grande armée, treize heures depuis
l’attaque de l’armée de Charette, et trente-six heures
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