Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
d’un grand nombre de gens de guerre, pour
enlever de cette ville le trésor du feu duc, à qui la vicomté de
Limoges avait appartenu. Les habitants lui ouvrirent leurs portes,
lui firent hommage et lui remirent le trésor qu’il réclamait.
Montfort s’en retourna aussitôt à Nantes, où il avait convoqué les
états de Bretagne ; il y trouva les avis de l’assemblée fort
partagés. La crainte du roi de France, qui protégeait Charles de
Blois, fit que plusieurs se déclarèrent pour ce dernier. Cependant
la majorité embrassa le parti de Montfort. Le trésor de Limoges
servit au comte à augmenter le nombre de ses partisans, et à former
une armée capable de conquérir la Bretagne entière. Il avait déjà
la réputation d’un brave, il acquit celle d’un prince généreux. Il
se déclara le défenseur des libertés populaires, traita avec les
communautés des villes, et leur promit de nouvelles franchises.
Jugeant son armée assez puissante, il
entreprit la conquête de toutes les places fortes de Bretagne, dont
les gouverneurs paraissaient décidés à reconnaître Charles de
Blois. Assuré des bords de la Loire, et voulant utiliser le temps
que lui laissait l’inconcevable inaction de son rival, Montfort
vint attaquer Brest, qu’il voulait empêcher celui-ci de renforcer
par mer. Garnier de Clisson soutint le siège, et se défendit
courageusement jusqu’à la dernière extrémité ; mais ce brave
chevalier ayant été tué, la ville se rendit, et ses habitants
firent serment de fidélité au comte, qui marcha aussitôt sur
Rennes, défendu par Henri de Spinefort. Le siège ayant été formé,
le commandant fit une sortie au point du jour, surprit les
sentinelles endormies, abattit les tentes d’un quartier et tua
plusieurs soldats. Mais les assiégeants, ayant pris les armes,
tombèrent bientôt sur les gens de Spinefort, les mirent en fuite,
en massacrèrent un grand nombre et firent quelques prisonniers,
parmi lesquels se trouva Spinefort. Montfort lui ordonna de se
présenter devant les murs de la ville, et de dire aux assiégés que
s’ils ne se rendaient pas, on le ferait pendre à l’une des
portes.
Comme Spinefort était très-aimé, le peuple fut
d’avis de se rendre ; mais les riches bourgeois furent d’un
sentiment contraire, quoique la place manquât des munitions
nécessaires pour soutenir un siège. Ceux qui conseillaient la
résistance luttèrent à main armée contre le peuple pour faire
triompher leur résolution ; on se battit dans la ville avec
acharnement. Enfin le peuple ayant eu le dessus, on ouvrit les
portes au comte, qui entra dans la place, reçut l’hommage de tous
les habitants et de Spinefort lui-même, qu’il mit aussitôt en
liberté. Il prit alors les insignes de la dignité ducale, et après
avoir établi dans Rennes des officiers pour y rendre la justice en
son nom, il marcha vers Hennebon, place forte et port de mer
important, dont le gouverneur était Olivier de Spinefort, frère de
Henri, devenu membre du conseil de Jean de Montfort. Le comte,
avant de rien entreprendre, consulta ses guerriers. Henri de
Spinefort se présenta et lui dit :
« Je suis de votre conseil et vous dois
désormais féauté. Or, sachez que ladite ville et son chastel ne
sont mie
(pas)
aisés à gagner comme vous pourriez
penser ; vous y pourrez bien seoir (rester) et perdre un an,
sans être mieux avancé ; mais je vous diray comme, vous le
pourrez avoir. Il fait bon ouvrer par engin plutôt que par force.
Vous me baillerez donc, s’il vous plaist, jusques à cinq cents
hommes d’armes à faire à ma volonté, et je les meneray en avant de
votre ost (armée) par l’espace de demi-lieue de terre, et porteray
la bannière de Bretagne devant moy. J’ay un frère qui est dedans,
gouverneur de la ville et du chastel ; tantost (dès) qu’il
verra la bannière de Bretagne et qu’il me cognoistra, je suis
certain qu’il me fera ouvrir les portes, et j’entreray dedans à
tout (avec) mes gens, et me saisiray de la ville et des portes, et
prendray mon frère ; je vous le remettray prins (prisonnier) à
votre volonté, s’il ne veut obéir à moy ; mais vous me
promettez la foy du corps que rien ne lui ferez. – Par mon chef,
dit le comte, nenny ! tu es gentil compagnon et bien
avisé ; je t’aime mieux que devant, et encore mieux t’aimeray,
si tu peux faire que soye seigneur de Hennebon, je dis de la ville
et du chastel. »
Henri se présenta devant la ville
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