Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
millions,
formaient un fonds des plus riches ; cependant elles ne
suffirent pas pour solder l’arriéré du règne de Jean II, et
Arthur dut puiser dans son épargne particulière pour payer
l’excédant.
Le règne du nouveau souverain fut exempt de
trouble ; il est vrai de dire, à sa louange, qu’il préféra la
paix et ses modestes et solides fruits, à la gloire vaine et trop
souvent trompeuse qu’offre la guerre à un jeune prince. Sous son
règne le commerce fleurit, l’agriculture prospéra, et sans les
subtilités de la chicane qui envahirent vers ce temps la procédure,
et paralysèrent dans leurs germes une foule de réformes jugées
nécessaires, Arthur eût pleinement joui du bonheur que sa rare
prudence promettait à ses sujets et leur avait déjà assuré en
partie.
L’admission du tiers-état dans les assemblées
de Bretagne n’était pas encore déterminée d’une manière invariable.
Déjà, il est vrai, les villes s’étaient fait représenter par des
mandataires près des ducs, et dans les sessions où il s’agissait de
voter des impôts. Alain Fergent avait appelé à son conseil, à son
parlement, des hommes de toutes classes et de tous rangs ; ses
successeurs avaient même quelquefois imité son exemple ; mais
ce n’était encore qu’une tolérance, un acte de bon vouloir de la
part du maître, qui demandait à tous l’aide de leurs vues, sans
pourtant souffrir qu’on se crût acquis le droit de lui donner des
lumières. Sous Arthur II, la position précaire du tiers-état
fut fixée ; du moins on reconnut par des formes légales le
droit qu’il avait de faire partie des états généraux dans la
personne de ses députés. Depuis le commencement du
XIV e siècle (1309), les mandataires des communes
furent toujours admis aux états de la province.
Après sept années d’un règne trop court pour
le bonheur de son peuple, Arthur mourut : il fut vivement
regretté, à cause de sa bonté et de sa justice.
Il avait épousé en premières noces Marie,
fille unique et seule héritière de Gui IV, vicomte de Limoges,
morte en 1300, dont il eut : Jean III, dit le Bon, son
successeur ; Gui, comte de Penthièvre, vicomte de
Limoges ; et Pierre, qui mourut sans postérité. Arthur se
remaria avec Yolande de Dreux, comtesse de Montfort-l’Amaury, veuve
d’Alexandre III, roi d’Écosse, qui le rendit père de Jean de
Montfort ; mariage si funeste à la Bretagne, comme on ne
tardera pas à le voir, à cause de la contestation qui s’éleva au
sujet de la succession, après la mort de son fils aîné
Jean III.
Jean III eut d’abord de graves différends
avec Yolande, sa belle-mère, qu’il haïssait ainsi que ses enfants.
Se voyant lui-même sans espérance de postérité, il maria sa nièce
Jeanne avec Charles de Blois, neveu de Philippe de Valois, roi de
France. Jean III avait assemblé ses états, et les avait
conjurés de délibérer au sujet de sa succession, afin de prévenir
les troubles qu’elle pourrait causer ; mais les états, n’ayant
pu s’accorder, étaient convenus de s’en rapporter au duc lui-même.
Ce fut alors que ce prince conclut le mariage de sa nièce avec
Charles de Blois, et le désigna pour son successeur, en présence
même de son frère Jean de Montfort. Charles fut dès lors regardé
comme héritier du duché de Bretagne, et plusieurs barons, du vivant
même de Jean III, lui tirent hommage : Charles n’avait
alors que dix-sept à dix-huit ans.
La Bretagne semblait heureuse sous le
gouvernement pacifique de Jean III. Le commerce prenait de
l’extension, et ses bienfaits réparaient les désastres occasionnés
par de longues guerres. Le goût des lettres et le désir de
l’instruction commençaient à pénétrer dans toutes les classes.
Beaucoup de villes avaient des écoles publiques ; mais la
lumière rayonnait principalement de Paris. L’université de la
capitale de la France resplendissait d’un éclat que lui enviaient,
en l’admirant, Rennes, Nantes, Saint-Pol-de-Léon, Quimper et
Tréguier. Des collèges, destinés surtout à l’enseignement du latin,
s’élevaient sous le patronage des prélats de ces divers diocèses.
Des prêtres, riches et généreux, fondèrent à Paris des
établissements destinés à l’éducation et à l’entretien des jeunes
écoliers bretons à qui le peu ou le manque de fortune ne permettait
pas de suivre les cours de l’université. Le collège de Cornouailles
fut fondé par
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