Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
avec la
bannière de Bretagne ; Olivier, s’imaginant qu’il venait à son
secours, lui fit ouvrir les portes et le laissa entrer avec ses
gens. Henri se saisit aussitôt de la personne de son frère, en lui
disant : « Messire Olivier, vous êtes mon
prisonnier. » Olivier, croyant d’abord à une plaisanterie,
répondit gaiement : « Ce fait d’armes sera suivi de bonne
fête. – Pas tant que vous croyez, répliqua Henri. – Comment !
s’écria Olivier, qui se voyait entouré par les soldats de Montfort,
je me suis confié en vous, et je pensois que vous veniez ici pour
m’aider à garder cette ville et ce chastel ! – Beau sire, dit
Henri, je me mets en saisine (je vous prends) de par le comte de
Montfort, qui est actuellement duc de Bretagne, et à qui j’ai fait
féauté et hommage, et toute la plus grande partie du pays ; il
convient que vous obéissiez aussi, et mieux vaut par amour que par
force, et vous en saura mon seigneur le comte bien meilleur
gré. »
Olivier se laissa persuader, et livra Hennebon
à Montfort ; celui-ci y mit une garnison, et alla aussitôt à
Vannes, qui lui ouvrit ses portes et le reconnut pour duc de
Bretagne. Ensuite il mit le siège devant le château de la
Roche-Périon, où commandait Olivier de Clisson. Ce fut en vain que
Montfort employa les promesses et les menaces pour gagner ce fier
chevalier ; il se vit obligé de lever le siège pour aller
attaquer Auray. Il aurait peut-être encore été contraint de
renoncer à prendre cette place, où s’étaient retirés Geoffroy de
Malestroit, sire de Kaer, et Olivier de Trésiguidy, si Henri de
Léon, le premier des seigneurs bretons s’étaient déclarés pour lui,
ne leur eût persuadé de reconnaître le comte, qui leur laissa le
commandement de la cité. Montfort s’empara ensuite de Carhaix, que
l’évêque de Léon remit lui-même en sa puissance.
Après s’être ainsi rendu maître de la plus
grande partie du duché, Montfort passa en Angleterre ; il y
fut très-bien reçu d’Édouard III, qui disputait encore la
couronne de France à Philippe de Valois, et qui était alors à
Windsor. Il y trouva le comte d’Artois, l’ennemi de la France, qui
le servit de tout son crédit dans le conseil, où il en avait un
très-grand. Le roi promit sa protection à Montfort, et le combla de
présents : celui-ci lui fit alors hommage de la Bretagne.
L’acte se lit dans le recueil de Rymer ; en voici les
termes : « Je vous reconnois de droit roi de France, et à
vous comme seigneur lige et de droit roi de France, fais mon
hommage pour ladite duché de Bretagne, que je proclame tenir de
vous, mon seigneur, et deviens votre homme lige de vie et de membre
et de terre, à vivre et mourir contre toutes gens. »
C’est ainsi que l’ambition poussa Montfort à
présenter la Bretagne comme une proie à l’Angleterre, la plus
grande ennemie de la Bretagne et de la France.
Cependant Charles de Blois, vivement affecté
des progrès de son rival, porta ses plaintes à Philippe de Valois,
et lui représenta que Jean de Montfort lui avait injustement enlevé
un duché qui lui appartenait. Le roi assembla ses pairs, qui
décidèrent que Montfort serait ajourné pour venir rendre compte de
sa conduite à la cour. Le comte, ayant reçu à Nantes les ordres du
roi, traita magnifiquement ceux qui les lui apportèrent, et
répondit qu’il irait prochainement à Paris. Il y arriva en effet, à
la tête de quatre cents gentilshommes, et le lendemain de son
arrivée il se rendit au palais, où le monarque l’attendait avec
Charles de Blois, les pairs et les plus hauts barons de France.
Montfort, après avoir reçu les saluts de tous les grands qui
l’estimaient beaucoup, s’inclina devant le roi en lui disant :
« Sire, je suis venu à votre mandement et plaisir. » – Le
roi lui répondit : « Comte de Montfort, de ce je vous
sçay très-bon gré ; mais je m’esmerveille bien fort pourquoy
et comment vous avez osé entreprendre de votre voulonté sur le
duché de Bretagne, où vous n’avez nul droict, car il y a plus
prochain que vous ; et pourtant vous le voulez
déshériter ; et pour mieux vous en efforcer, vous êtes allé à
mon adversaire le roi d’Angleterre, et avez de lui relevé, ainsi
comme on m’a conté. » – Montfort reprit :
« Ha ! cher sire, ne le croyez pas, car vrayement, le bon
vrayement, vous êtes de ce mal informé. » Il déclara en même
temps qu’il ne connaissait
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