Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
périrent Guy de
Nesle, le comte de la Marche, le vicomte de Rohan et le fameux
Tinténiac, le héros du combat des Trente.
Les partisans de Charles de Blois, consternés
de cet échec, eurent lieu de s’en consoler en quelque sorte par la
liberté qui fut accordée alors à ce prince de retourner en France,
sur sa parole, pour y marier sa fille avec Charles d’Espagne,
connétable de France, à qui le roi avait donné le comté
d’Angoulême. Jean s’était engagé à payer la rançon de Charles de
Blois ; mais le connétable, peu de temps après son mariage,
ayant été tué par le roi de Navarre, et celui de France
n’acquittant point la dette de Charles, ce dernier se vit contraint
de retourner en Angleterre. Il fit alors un traité avec Édouard,
par lequel il s’engagea à faire épouser, à Jean de Bretagne, son
fils aîné, la princesse Marguerite, fille d’Édouard, moyennant
quatre cent mille deniers d’or, et à condition qu’on lui rendrait
la liberté, et qu’il serait reconnu duc de Bretagne, aussi bien que
son fils et les enfants qui naîtraient de ce mariage avec
Marguerite. Le traité ayant été conclu et juré de part et d’autre,
le prince Jean passa en Angleterre avec son frère Guy, pour épouser
la princesse. Mais le comte de Derby, neveu d’Édouard, lui ayant
représenté qu’il se déshonorait en traitant ainsi avec le rival du
jeune comte de Montfort, dont il s’était déclaré le protecteur et
qui avait été regardé jusque alors comme son gendre futur, Édouard
changea de résolution et ne voulut point observer le traité. Bien
plus, il arrêta à sa cour les deux princes, comme prisonniers.
Toute la négociation se borna donc à traiter de la rançon de
Charles de Blois, leur père, qui vint en Bretagne afin d’y
recueillir la somme nécessaire au recouvrement de sa liberté. Au
bout de trois mois, étant retourné en Angleterre, il l’obtint
enfin, à condition que ses deux fils demeureraient en otage jusqu’à
l’entier paiement de sa rançon.
La trêve n’arrêtait pas les hostilités
partielles. Jean de Montfort était trop jeune, et Charles de Blois
trop fidèle à ses serments, pour se montrer sur les champs de
bataille ; mais ni les capitaines ni les peuples n’étaient
liés par aucune promesse, et dans la Bretagne entière on faisait la
guerre de ville à ville, de château à château, de chaumière à
chaumière. Tout devenait une arme redoutable dans les mains du
peuple et des villageois.
Alors parut un homme que sa force corporelle
et la fortune de la guerre ont élevé au premier rang parmi les plus
célèbres capitaines : c’était Bertrand Du Guesclin, ou de
Gléquin, pour nous conformer à la véritable manière d’écrire son
nom.
On lit dans de vieilles chroniques qu’un chef
maure appelé Hakim ou Aquin, échappé aux poursuites du grand Karl,
et n’ayant pu retrouver le chemin des Pyrénées, s’était enfui en
Bretagne avec un petit nombre de fidèles serviteurs. Arrivé près de
la mer, entre l’endroit nommé depuis Cancale et le bourg de
Saint-Meloir-des-Ondes, il prit un peu de repos dans une verdoyante
prairie, tout émaillée de fleurs de
glay
ou d’iris. Il y
construisit en ce lieu, sur une roche élevée, un château qu’on
nomma le Glay-d’Aquin ou le Glay-Aquin, à cause des fleurs qu’il ne
cessa de faire cultiver aux environs. Bertrand descendait-il du
Sarrasin Aquin ? Nous ne savons ; mais le bon connétable
était lui-même si convaincu de cette origine romanesque, qu’il
avait formé le projet d’aller, après la guerre de Castille,
conquérir en Afrique le royaume de Bougie, entre Alger et Bone.
Une vieille tradition, rapportée par Froissard
et par plusieurs auteurs ses copistes, dit que le fils du Maure fut
baptisé au berceau par l’ordre de Charlemagne, qui lui donna le nom
d’Olivier de Glay-Aquin ; qu’il lui assigna en apanage les
terres qui environnaient la tour de Glay, et que les seigneurs du
Guesclin descendaient de cet enfant.
Quoi qu’il en soit de ces traditions
merveilleuses, dont on peut croire ce qu’on voudra, le père de
Bertrand avait épousé Jeanne de Mallemains de Sacé, femme d’un
esprit remarquable, qui lui donna trois fils, lesquels se
distinguèrent tous dans la carrière des armes, et dont l’un,
Olivier, fut connétable de Castille, chambellan de Charles VI
et comte de Longueville. Bertrand Du Guesclin, le plus célèbre des
trois, était arrivé à l’âge de quinze
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