Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
applaudissements chaleureux excitent le
héros ; il repart, et quinze fois de suite il désarçonne
quinze chevaliers qui avaient réclamé l’honneur de se mesurer avec
lui. Enfin le père de Bertrand s’avance pour combattre cet
invincible jeune homme, qu’on ne désignait que sous le nom de
l’
écuyer aventureux.
Bertrand, reconnaissant son père,
jette sa lance et s’offre avec respect à ses coups. Forcé de se
faire connaître, Bertrand lève sa visière : son père, qui ne
peut en croire ses yeux, court à lui et le presse avec tendresse et
orgueil dans ses bras.
Dès lors son fils eut des armes et des
chevaux, il fréquenta les tournois, fit la guerre pour son compte,
et acquit une telle réputation de force et d’audace, que les
soldats les plus intrépides abandonnaient, pour le suivre, leurs
anciennes bannières et refusaient les meilleurs engagements. Tels
furent les commencements de Bertrand Du Guesclin, depuis connétable
de France et duc de Molines.
Un de ses premiers exploits fut la prise du
château de Fougeray. Ayant appris que Robert Branbolle, chevalier
anglais, qui y commandait, était sorti avec la meilleure partie de
sa garnison, Bertrand se met aussitôt en campagne avec ses gens. Il
leur fait prendre à tous des blouses de toile par-dessus leurs
armes et les charge de fagots, de manière à leur donner l’apparence
de bûcherons. Lui-même, travesti comme eux, s’approche du château,
après avoir partagé sa troupe en quatre bandes. La garnison, les
ayant aperçus, les prit en effet pour des bûcherons qui apportaient
leur bois à la ville. On baisse le pont et on leur ouvre la porte.
Du Guesclin entre le premier et jette aussitôt sa charge ;
ceux qui le suivent en font autant, et empêchent ainsi que la porte
ne puisse être refermée. Alors Bertrand, mettant l’épée à la main,
tue le portier et crie :
Notre-Dame Du
Guesclin !
Les Anglais accourent au nombre de deux cents
et viennent fondre sur lui. Malgré le courage de ses gens, il était
près de succomber, lorsqu’une troupe d’hommes d’armes du parti de
Charles de Blois, informée de l’entreprise de Du Guesclin, vint à
propos pour le seconder. Ils entrent dans la ville sans obstacle et
se joignent aux autres Bretons qui se trouvaient alors dans une
fâcheuse extrémité, mais qui, avec ce secours inespéré, eurent
bientôt l’avantage. Tous les Anglais furent tués ou pris, et le
château fut rendu. Le capitaine Branbolle s’étant mis en chemin
quelques jours après pour reprendre la ville, Du Guesclin le défit
et le tua (1356).
Il se distingua d’une manière encore plus
éclatante au siège de Rennes. Le duc de Lancastre, cousin germain
du roi d’Angleterre, assiégeait cette ville avec le comte de
Montfort ; la place était défendue par le vicomte de Rohan, le
sire de Laval, Charles de Dinan et plusieurs autres :
Penhouët, surnommé
le Boiteux,
en était gouverneur. Du
Guesclin, posté avec une troupe de gens d’élite dans les bois
environnant la ville, donnait souvent l’alarme au camp des Anglais
et leur faisait beaucoup de prisonniers. Il y avait déjà plusieurs
mois que la ville était assiégée, et les vivres commençaient à y
manquer. Le duc de Lancastre fit amener au milieu des prés qui
joignaient les fossés de la ville environ deux mille porcs,
persuadé que les assiégés, dans l’extrémité où ils se trouvaient,
ne manqueraient pas de faire une sortie pour les enlever ;
mais le gouverneur ne donna pas dans le piège, et résolut cependant
de se rendre maître d’une partie de ces porcs. À cet effet, il fit
abaisser le pont d’une porte à laquelle il fit pendre par un pied
une truie vivante : les porcs, comme on sait, accourent
toujours aux cris de leurs compagnons. Ceux qui étaient dans la
prairie, entendant la truie crier, se dirigèrent en courant vers le
pont. Aussitôt on détache la truie, qui, s’enfuyant dans les rues
de la ville, y attira tous les pourceaux qui étaient sur le
pont.
Ce secours fut peu de chose, en comparaison de
celui que Du Guesclin procura à la ville peu de temps après. Il
attaqua le camp des Anglais au lever du soleil, dans le temps où on
changeait les gardes, et où la plupart des ennemis étaient encore
plongés dans le sommeil. Il renversa les tentes, mit le feu
partout, massacra tout ce qu’il rencontra, et fit tant de ravage,
que les Anglais s’imaginèrent que leur camp était attaqué par vingt
mille Français. Bertrand y
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