Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
déjà rendu maître : le
lendemain, la garnison du château, ayant appris l’arrivée de
Richemont, demanda à capituler.
Peu de jours après se donna le combat de
Patay, à cinq lieues de là. Les Français et les Bretons fondirent
avec furie sur les Anglais, et les taillèrent en pièces ;
Talbot, leur général, fut fait prisonnier. Cette victoire
éclatante, dont l’honneur était principalement dû à l’habileté du
connétable et à la valeur des Bretons, ne le réconcilia point avec
le roi, qui, obsédé par La Trémoille, loin de lui rendre ses bonnes
grâces, lui envoya ordre de se retirer dans ses terres. Ce fut en
vain qu’il fit supplier le roi de lui permettre de le suivre ;
Beaumanoir et Rostrenen allèrent même de sa part trouver La
Trémoille pour le prier de trouver bon que le connétable
s’acquittât du devoir de sa charge et servit le roi et l’État,
offrant de son côté de faire tout ce qu’il exigerait de lui. La
Trémoille, enflé des succès de Charles VII, fut inflexible, et
alla jusqu’à faire dire à Richemont que le roi aimerait mieux
n’être jamais couronné que de l’être en sa présence. La dureté de
cette réponse n’empêcha pas le connétable de servir le roi malgré
lui. Cependant il se retira peu après dans son château de Parthenay
avec tous ceux de sa suite ; mais il n’y demeura pas
oisif ; il fit pendant l’hiver une entreprise sur
Fresnai-le-Vicomte. Comme il revenait à Parthenay, il éprouva
jusqu’où allaient la méchanceté et la perfidie de ses ennemis. Les
gens du connétable, ayant remarqué un homme à cheval qui
s’attachait à le suivre, l’arrêtèrent. Ce malheureux, interrogé,
confessa que La Trémoille lui avait promis de l’argent s’il
assassinait le connétable, et qu’il l’avait suivi à ce dessein.
Richemont, qui avait promis de lui accorder sa grâce s’il avouait
la vérité, lui tint parole ; sa générosité alla même jusqu’à
lui faire donner de l’argent, en lui recommandant de ne plus se
charger de commissions de cette nature.
Tandis que la France était en proie aux
dissensions des grands et aux fureurs de la guerre, Jean V
était tranquille dans son duché. Ce prince songeait à
l’agrandissement de sa maison, en faisant contracter d’illustres
alliances à ses principaux membres. Les impôts étaient modérés, et
le sort du peuple paraissait tolérable ; comparé au misérable
état de la France, c’était une véritable prospérité. Mais ce
bonheur ne fut pas de longue durée, et l’amour de Jean V pour
la paix dut céder, malgré ses efforts, à la nécessité de se
défendre contre des attaques ou des outrages répétés. Il se vit
forcé à faire la guerre au duc d’Alençon, son neveu : le sujet
de cette lutte déplorable fut un différend sur le payement du
douaire de la mère du duc d’Alençon, sœur du duc de Bretagne. Jean,
qui ne pouvait faire droit aux réclamations de son neveu pour le
moment, s’était engagé formellement pour une autre époque. Furieux
de ce retard, Alençon tenta d’enlever le fils aîné de son oncle
pour s’en faire un otage ; mais n’ayant pu y réussir malgré
toutes ses ruses, il s’empara du chancelier de Bretagne et
l’enferma au château de Pouancé. Jean, en présence d’un pareil
outrage, n’eut d’autre ressource que de prendre les armes contre la
félonie de son neveu. Le siège fut mis devant Pouancé, qui,
vigoureusement défendu, résista longtemps et ne se rendit que grâce
à l’intervention de Richemont. L’oncle et le neveu se
réconcilièrent enfin ; mais le sang français avait coulé à
grands flots sous les coups des étrangers, alliés de d’Alençon, et
ces querelles intestines assuraient de plus en plus leur domination
dans notre patrie.
La Trémoille, abusant de son autorité,
continuait toujours de persécuter le connétable. Richemont avait
jusque alors paru souffrir ses outrages avec beaucoup de patience
et de modération ; mais enfin son ressentiment éclata, et le
favori, qui s’était fait bien d’autres ennemis, fut puni de son
orgueil et de toutes ses injustices. Quelques seigneurs formèrent,
de concert avec le connétable, le projet de se défaire de La
Trémoille, qui était alors à Chinon, où le roi tenait sa cour. Ils
se rendirent maîtres d’une poterne du château, par la connivence de
Gaucourt, qui en était gouverneur, et d’Olivier Frétai son
lieutenant. Trois des conjurés, suivis d’un
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