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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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ténébreuses
de la magie et dans les dérèglements les plus monstrueux. Ses
émissaires parcoururent et l’Allemagne et l’Italie, pénétrèrent
dans les solitudes, s’engagèrent dans les forêts profondes et
sondèrent les cavernes où la renommée plaçait les serviteurs
abhorrés du prince des ténèbres, de l’esprit du mal. Des
malfaiteurs, des fourbes, des impies ne tardèrent pas à former la
cour de Gilles de Raiz. Il eut d’horribles apparitions ; des
voix épouvantables se firent entendre ; des conseils atroces
s’échappèrent du sein de la terre pour l’entraîner à commettre des
crimes impossibles à redire.
    Enfin, un de ses émissaires lui amena un
savant indien, qui, suivant les imposteurs qui l’accueillirent avec
un profond enthousiasme, venait de parcourir toute la terre, et
pour lequel la nature n’avait pu conserver de secrets. Il s’empara
de toutes les facultés de Gilles de Raiz, qui mit à sa disposition
et son pouvoir et ses richesses. Ce fut alors que les cachots de
Tiffauges retentirent de hurlements et furent arrosés de larmes.
Satan, par la voix de l’Indien, demandait du sang humain ; le
maréchal lui-même devait poignarder les innocentes victimes de son
ambition, de sa soif inextinguible de l’or et de sa terrible
folie.
    Mais le Ciel parut enfin las de tant
d’horreurs. Les environs de Tiffauges s’étaient changés en une
vaste solitude, et le cri public s’éleva comme un furieux orage
contre Gilles de Raiz. Il était difficile de s’en emparer dans son
château ; mais on lui dressa une embuscade ; il y tomba,
et fut à son tour plongé dans les cachots. Les recherches qu’on fit
à Tiffauges amenèrent d’effrayantes découvertes. On y trouva,
disent les pièces du procès, les cadavres ou les ossements à demi
brûlés de plus de cent enfants sacrifiés à ses ablations
infernales. Le 19 septembre 1440, Gilles de Raiz comparut devant
ses juges, et fut confronté avec l’Indien, conseiller ou exécuteur
de tant d’atrocités. Ce n’était qu’un Florentin, nommé Prelati. Il
avoua tout à la torture ; mais le baron se renferma dans le
plus sévère silence, jusqu’au moment où il dut être mis à la
question. Alors il parla, et attendrit les juges et l’assistance
par les preuves manifestes d’un repentir tardif. Il déclara que sa
mauvaise éducation avait été le principe de son horrible conduite,
et se prépara à la mort dans les sentiments les plus édifiants.
Condamné à être brûlé vif, il marcha au lieu du supplice, escorté
des prières du peuple, qui demandait pour lui la patience et la
contrition. Suivant l’usage du temps, les pères et mères de famille
qui avaient entendu les dernières paroles de Gilles de Raiz
jeûnèrent trois jours pour lui mériter la miséricorde de Dieu, et
infligèrent à leurs enfants la peine du fouet, afin qu’ils
gardassent dans leur mémoire le souvenir du châtiment terrible qui
allait frapper un grand criminel. On retira son corps du bûcher
avant qu’il eût été consumé par les flammes, et Jean V, en
considération de sa haute naissance, de ses belles actions à la
guerre et du repentir qu’il avait témoigné, permit de l’inhumer en
terre sainte. On lui fit de magnifiques obsèques dans l’église des
Carmes de Nantes, où il fut enterré, et on éleva une croix de
pierre à l’endroit où il avait subi sa sentence.
    Deux ans après (1442) la Bretagne perdit le
duc Jean V ; son corps fut déposé auprès de celui de son
père, en attendant qu’il fut transféré à Tréguier, pour être inhumé
dans l’église cathédrale de cette ville, comme il l’avait ordonné.
Ce prince avait su, par sa piété, sa libéralité, sa douceur et son
affabilité, gagner les cœurs de tous ses sujets. Ne pouvant
réussir, malgré ses louables efforts, à mettre la paix entre la
France et l’Angleterre dont il s’était fait l’arbitre, il tâcha au
moins d’éloigner la guerre de son pays, et d’y maintenir la
tranquillité et l’abondance.
    De son mariage avec Jeanne de France, sœur de
Charles VII, il avait eu sept enfants. Cinq existaient
encore : François, comte de Montfort et son successeur ;
Pierre, comte de Guingamp ; Gilles, seigneur de
Chantocé ; Anne, duchesse de Bourbon ; et Isabelle,
mariée au comte de Laval, Guy XIV.

CHAPITRE XI
    François I er de Montfort. – Malheurs de
Gilles de Bretagne. – Pierre II. – Arthur de Richemont. –
François II. – Pierre

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