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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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dettes du jeu. L’infortuné qui, dans son désespoir,
avait risque sa personne et sa liberté au hasard d’un coup de dé, se soumettait
patiemment à la décision du sort. Garrotté, exposé aux traitements les plus
durs, quelquefois même vendu comme esclave dans les pays étrangers, il
obéissait sans murmure à un maître plus faible, mais plus heureux [721] .
    Une bière, faite sans, art avec du froment,ou de l’orge, et
acquérant par la corruption , selon l’énergique expression de Tacite, une
sorte de ressemblance avec le vin, suffisait aux habitants de la Germanie pour
leurs parties ordinaires de débauche ; mais ceux qui avaient goûté les
vins délicieux de l’Italie et de la Gaule, soupiraient après une espèce
d’ivresse plus agréable. Ils ne songèrent cependant pas, comme on l’a exécuté
depuis avec tant de succès, à planter des vignes sur les bords du Rhin et du
Danube, et l’industrie ne leur procura jamais de matières pour un commerce
avantageux. La nation aurait rougi de devoir à un travail pénible ce qu’elle
pouvait obtenir par les armes [Tacite, Germ ., 14] . Le goût
immodéré des Barbares de toutes les nations pour les liqueurs fortes les
engagea souvent à envahir les régions comblées des présents si enviés de l’art
ou de la nature. Le Toscan qui livra l’Italie aux Celtes, les attira dans sa
patrie, en leur montrant tous les excellents fruits et les vins précieux que
produisait un climat plus fortuné [722] .
Ce fut ainsi que, durant les guerres du seizième siècle, les Allemands
accoururent en France pour piller les riches coteaux de la Bourgogne et de la
Champagne [723] .
L’ivrognerie, aujourd’hui le plus bas, mais non le plus dangereux de nos vices,
peut chez des peuples moins civilisés, occasionner une bataille, une guerre ou
une révolution.
    Depuis Charlemagne, dix siècles de travaux ont adouci le
climat et fertilisé le sol de la Germanie : un million d’ouvriers et de
laboureurs mènent à présent une vie aisée et agréable dans un pays où cent
mille guerriers paresseux trouvaient à peine autrefois de quoi subsister [724] . Les Germains
destinaient leurs immenses forêts au plaisir de la chasse : ils
employaient en pâturages la plus grande partie de leurs terres, en cultivaient
une très petite portion d’une manière fort imparfaite, et se plaignaient
ensuite de l’aridité et de la stérilité d’une contrée qui refusait de nourrir
ses habitants. Lorsqu’une famine cruelle venait les convaincre de la nécessité
des arts, ils n’avaient souvent alors d’autre ressource que d’envoyer au dehors
le quart, ou peut-être le tiers de leur jeunesse [725] . Une possession
et une jouissance assurées sont les liens qui attachent un peuple à sa
patrie ; mais les Germains portaient avec eux ce qu’ils avaient de plus
cher, et, dès qu’ils voyaient briller l’espoir d’une conquête ou d’un riche
butin, ils abandonnaient la vaste solitude des bois, et marchaient aux combats
avec leurs troupeaux, leurs femmes et leurs enfants. Les nombreux essaims qui
sortirent ou qui parurent sortir de la grande fabrique des nations , ont
été multipliés par l’effroi des vaincus et par la crédulité des siècles
suivants. Des faits ainsi exagérés ont insensiblement établi une opinion
soutenue depuis par de très habiles écrivains : on s’est imaginé que du temps
de César et de Tacite le Nord était infiniment plus peuplé qu’il ne l’est de
nos jours [726] .
Des recherches plus exactes sur les causes de la population semblent avoir
convaincu les philosophes modernes de la fausseté, de l’impossibilité même de
cette hypothèse. Aux noms de Mariana et de Machiavel [727] , nous pouvons en
opposer d’aussi respectables, ceux de Hume et de Robertson [728] .
    Un peuple guerrier qui n’a point de villes, qui néglige tous
les arts, et qui ne connaît l’usage ni des lettres ni de la monnaie trouve
cependant dans la jouissance de la liberté quelque compensation à cet état de
barbarie : tels étaient les Germains ; leur pauvreté assurait leur
indépendance. En effet, nos possessions et nos désirs sont les chaînes les plus
fortes du despotisme. Les Suéones , dit Tacite [729] , honorent les
richesses : aussi sont-ils soumis à  un monarque absolu. Les armes ne sont pas
parmi eux, comme chez les autres peuples germaniques, entre les mains de tout
le monde ; le roi les tient en dépôt sous la garde d’un homme de
confiance, et

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